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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

sait la force ; elle ne répondait pas exactement aux circonscriptions territoriales, et l’un des princes pouvait avoir des vassaux dans le royaume d’un autre. Parmi ces vassaux ou leudes les plus dévoués, les plus utiles, comme on s’exprimait alors, étaient ceux qui, habitant près du roi, et formant autour de sa personne une garde permanente, avaient pour salaire la vie commune à sa table ou sur les fruits de son domaine. Il y avait moins à compter sur la foi de ceux qui, domiciliés au loin, et vivant dans leurs propres maisons, jouissaient, par concession royale, du feod ou de la solde en terres[1]. C’est cette dernières classe d’hommes qui, pour sauver ses propriétés, déserta la cause de Hilperik, et offrit la royauté à Sighebert ; l’autre, plus fidèle, mais moins nombreuse, avait suivi le roi fugitif jusque dans les murs de Tournai. Sighebert reçut avec joie le message et l’offre des Neustriens ; il leur garantit par serment qu’aucune ville ne serait livrée à ses soldats, et promit de se rendre à l’assemblée où il devait être inauguré selon la coutume de ses ancêtres. Ensuite il alla jusqu’à Rouen faire une sorte de reconnaissance militaire, et revint à Paris après s’être assuré qu’aucune ville forte de l’ouest n’était disposée à tenir contre lui.

Afin de prémunir son mari contre un retour d’affection fraternelle, et de veiller par elle-même à l’accomplissement de sa vengeance, Brunehilde quitta la ville de Metz pour se rendre auprès de Sighebert. Elle avait une telle confiance dans la certitude de son triomphe qu’elle voulut faire ce voyage accompagnée de ses deux filles, Ingonde et Chlodeswinde, et de son fils Hildebert, enfant de quatre ans. Ses chariots de bagage contenaient de grandes richesses, et ce qu’elle avait de plus précieux en ornemens d’or et en bijoux[2]. Il semble que, par une vanité de femme, elle voulût éblouir les yeux, et se montrer magnifique dans sa parure, en

  1. Omnes causæ ejus aut amicorum suorum, tàm illorum qui cum illo pergunt, quàm qui ad propria eorum resident. Marculfi monachi formul., lib. I, pag. 477.

    Sur la véritable signification des mots feod et alod, voyez les Lettres sur l’histoire de France, 3e édition, page 172.

  2. Regressus indè, Parisius est ingressus, ibìque ad eum Brunichildis cum filiis venit. Greg. Turon., lib. IV, pag. 230. — Adriani Valesii Rerum francic., lib. IX, pag. 57.