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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

main M. Villèle ; il dessilla les yeux de M. de Richelieu, qui refusa long-temps de le croire. Mais, peu de temps après, les actes de son ministère ayant excité de nouvelles et violentes sorties de M. Castelbajac et de M. de Sallaberry, M. de Richelieu se pencha vers M. Villèle, qui se trouvait au banc des ministres, et lui dit : « Vraiment, ils vous attaquent trop fort ! Je vois qu’il faut que je me dévoue pour vous : je me retire ! » Le soir même, M. de Richelieu alla trouver le roi, et lui présenta, avec sa démission, une nouvelle liste de ministres, en tête de laquelle figuraient M. Villèle et M. Corbière. À toutes les instances que lui firent le roi et son frère pour rester, il répondit que les amis de M. Villèle l’avaient trop grièvement offensé ; mais il garda noblement le silence sur les soupçons qu’il avait formés contre M. Villèle lui-même. Les royalistes et leur chef, le comte d’Artois, principal auteur du nouveau ministère, crurent que la contre-révolution était faite.

La situation de la France est bien simple aujourd’hui : elle n’a pas d’amis, et toutes les puissances sont armées contre elle. Sa position était plus compliquée au moment où M. Villèle entra dans le ministère, et s’en fit le chef. Le congrès de Vérone venait de s’ouvrir ; et, pour la première fois depuis la restauration, la France était appelée à faire sentir le poids de son épée dans la balance des pouvoirs européens. Sous un gouvernement qui n’aurait pas eu des engagemens de reconnaissance et de sympathie avec l’étranger, la circonstance était bien favorable pour ressaisir un immense crédit en Europe. L’insurrection grecque, à laquelle s’intéressaient ardemment tous les peuples, et que combattaient presque ouvertement tous les souverains, avait créé des centres d’opposition et de résistance dans la plupart des états de la sainte-alliance. Le Piémont et Naples, volcans mal éteints, venaient de produire une irruption nouvelle, qui occupait une partie des forces de l’Autriche et tenait en éveil toute son attention ; l’Angleterre surveillait avec inquiétude la Russie, qui n’avait jamais cessé d’exécuter sourdement le testament politique de Pierre Ier, et semblait déjà mettre le pied sous ce fameux arc de triomphe de Cherson, qu’elle a franchi depuis, où Catherine avait fait inscrire ces trois mots insolens : Route de Constantinople ! La Pologne et l’Allemagne frémissaient sous les baïonnettes qui les maintenaient avec tant de