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peine ; et l’Espagne, qui d’un bond avait dépassé la France, appelait, par son exemple, les peuples plus arriérés à une complète régénération.

M. de Metternich et lord Castlereagh avaient cherché à entraîner le ministère français dans une alliance contre la Russie, dont les armées couvraient déjà les rives du Pruth. M. de Metternich mettait à ce projet toute l’activité et la finesse dont il est doué ; mais sa grace et ses séductions échouaient contre le duc de Richelieu, qui devait à la Russie sa fortune politique, et dont le cœur était sincèrement dévoué à sa patrie adoptive. Aussi M. de Metternich apprit-il avec joie la retraite de M. de Richelieu et la nomination de M. Villèle. Déjà il se croyait assuré de la triple alliance, quand lord Castlereagh s’avisa de se couper la gorge pour sortir des embarras où l’avait jeté sa politique imprévoyante et hautaine. Georges Canning lui succéda, et l’Angleterre échappa pour toujours à l’influence de M. de Metternich.

M. Villèle, installé dans son fauteuil de ministre, demanda de quoi il était question, et eut bientôt pris son parti : celui de ne rien faire. Il était cependant difficile d’exécuter ce projet entre deux hommes tels que Canning et M. de Metternich.

Jeté d’un mince comptoir sur un vaisseau qui le laissa, par une belle matinée d’été, sur la plage de l’Île-Bourbon, avec les vêtemens qu’il portait pour tout bien, M. Villèle, qui avait été fort heureux d’être agréé comme régisseur dans la sucrerie de M. Panon, était successivement devenu son gendre, membre de l’assemblée coloniale, riche planteur, puis, à son retour, homme influent dans sa province natale, puis encore chef de parti dans la chambre, puis membre du conseil, et enfin premier ministre. Toutes ces choses, M. Villèle les avait tour à tour obtenues par l’application d’une seule pensée ; il était bien fondé à placer quelque confiance dans cette pensée et à y persévérer. Il résolut donc d’appliquer à l’avenir ce système d’inertie, qui lui avait si bien réussi pour le passé. M. Villèle avait eu trop souvent besoin de la Fortune pour badiner avec elle ; il la traitait sérieusement, ne s’adressait à elle qu’avec timidité, et ne risquait jamais de la compromettre en soumettant à son caprice ces grands coups hasardés qui ont souvent ruiné ses plus anciens favoris. Étonné de se trouver si haut, M.  Vil-