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ÉTUDES DE L’ANTIQUITÉ.

pour les modernes des œuvres de l’antiquité, et dans l’avertissement qui précède la traduction des Histoires, il s’exprime ainsi : « Une traduction, pour être lue, doit être de son siècle. Et je ne plaide pas ici la cause du néologisme : la nouveauté des mots ne fait pas celle du style, et la langue française possède depuis longtemps des expressions pour toutes les idées. Mais il est un progrès universel auquel ce genre d’ouvrages doit participer comme le reste. Les mêmes choses sont envisagées, d’un siècle à l’autre, d’une manière différente ; on découvre chaque jour, dans des objets déjà et souvent observés, des rapports inaperçus, et pour appliquer à un objet particulier cette remarque générale, on entend mieux les anciens depuis que les grandes scènes de l’histoire se sont en quelque sorte renouvelées sous nos yeux. Cette lumière qui naît des évènemens et du jeu des passions, nous montre dans leurs écrits ce qu’auparavant on n’y distinguait pas assez. Si donc il est vrai de dire que ce serait manquer à la vérité historique et faire un perpétuel anachronisme que de ne regarder l’antiquité qu’à travers les intérêts contemporains et la politique du jour, il est vrai aussi que le traducteur est entraîné par le mouvement public de son temps, qu’il en reçoit l’impression, et que son travail en réfléchit une image plus ou moins fidèle. » On ne saurait rien dire de plus simple et de plus juste. C’est donc dans cette excellente idée de donner au dix-neuvième siècle un Tacite qui lui convînt, que M. Burnouf a travaillé.

Le savant professeur au collège de France apportait à cette tâche d’éminentes aptitudes, une connaissance approfondie de l’antiquité, tant grecque que romaine, une compétence de premier ordre dans les lettres latines, la conscience intime des ressources et des originalités de la langue française ; un talent remarquable pour écrire, une raison droite, une intelligence ferme. Avec de tels avantages M. Burnouf pouvait certainement songer à écrire pour son compte un livre original qui nous aurait instruits ; il a mieux aimé consacrer ses forces à la traduction d’un des monumens les plus durables de l’antiquité. Nous devons l’en remercier hautement, il faut louer cette abnégation courageuse et active qui s’emploie si laborieusement à être utile ; puisse M. Burnouf trouver sa récompense dans ces lignes de D’Alembert : « En accordant aux écrivains