Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
Séparateur



31 décembre 1833.


La session est ouverte. La royauté est venue l’ouvrir avec un cortège d’officiers et de soldats qui ressemblait plus à celui qui accompagna le général Bonaparte lorsqu’il alla frapper de la poignée de son sabre à la porte de l’orangerie de Saint-Cloud, qu’à la suite du plus pacifique de tous les souverains. L’assemblée était brillante. Rien n’y manquait, ni le dolman hongrois du comte Appony, ni les blanches épaules de madame Lehon, ces deux accompagnemens obligés de toutes les grandes circonstances et de toutes les solennités. Comme de coutume, on parlait quelques jours à l’avance du discours du trône, on en citait les phrases, et d’heure en heure on y apportait quelques variations. On savait que M. Guizot s’était chargé de la rédaction du morceau officiel, que M. Thiers lui avait donné quelques coups de plume ; qu’il avait été lu, médité, amendé et relu en famille doctrinaire, sur le sopha du duc de Broglie, devant un petit auditoire composé des enfans plus ou moins illustres, plus ou moins obscurs de la tribu. Puis, il avait été soumis à l’approbation du grand régulateur de toutes choses, du grand modérateur, comme le nommait galamment M. Nodier dans son discours académique, et le maître qui porte, ainsi qu’un certain roi d’Aragon, tout son conseil dans son pourpoint, s’était enfermé seul pour le juger et le refaire. Louis XIV disait aux plénipotentiaires des Provinces-Unies : « J’ai toujours été le maître chez moi, et quelquefois chez les autres ; ne m’en faites pas souvenir. » On n’est guère en mesure de tenir aujourd’hui un langage, aussi hautain aux ambassadeurs étrangers, mais on s’en dédommage avec ses ministres ; et ceux-ci se sont mis, de leur propre gré, dans une si grande dépendance, qu’à la séance royale ils entendirent pour la première fois, dit-on, ni plus ni moins que le public, le discours qui fut prononcé, et qu’ils croyaient connaître. On se souvient d’avoir vu, dans une séance