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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

M. Dumas triompha de tous les obstacles ; il arriva malgré les conseils de ses chefs de bureau, qui lui disaient : Faites de la littérature comme Delavigne, et auxquels il répondait avec une ironique modestie : Faites de l’administration comme Colbert. Il est juste de dire qu’il trouva un ami dans M. Taylor, commissaire du roi près le Théâtre-Français ; un regard bienveillant sur mille indifférens ou hostiles ! Le dénouement de tout ce drame d’avant-scène, qu’il nous raconte d’une manière si intéressante dans la préface de ses œuvres, fut le succès de Henri III, un des plus beaux qu’on ait vus au théâtre. C’est de cette pièce, représentée pour la première fois le 11 février 1829, que date, dans les formes du drame, la révolution consommée depuis. Quelques timides essais avaient indiqué la voie, en la rendant en quelque sorte plus difficile, à cause de leur insuccès. C’était la Jane Shore de M. Lemercier, œuvre qui, comme traduction, ne pouvait pas faire époque ; c’était, plus récemment, la pièce plus intéressante, mais encore moins originale, de Mély-Janin, Louis xi à Péronne ; c’était bien avant en 1825, je crois, le Cid d’Andalousie de M. Lebrun, qui eut l’honneur de chûter magnifiquement entre Talma et Mlle Mars. Il manquait donc au drame nouveau le sceau d’un talent et l’éclat d’un triomphe.

Rien de plus curieux à observer que le mouvement de la critique à l’occasion de Henri III. Cette pièce avait deux péchés originels que les faiseurs de feuilleton absolvent rarement. D’abord, c’était le début d’un jeune homme, et, chose absurde ! les aristarques, qui ne sont souvent que des camarades, se font plus sévères envers ceux qui commencent leur nom, qu’à l’égard de ceux qui le continuent. En second lieu, M. Dumas brisait un peu brusquement avec les habitudes du théâtre. Au dialogue sentencieux et guindé de la tragédie de l’empire, il substituait la conversation vive, naturelle du drame. Plus de cothurnes, de laticlaves, de casques ; mais des toques, des souliers et des pourpoints. D’une main, il mettait à la porte les Romains de M. Arnault et de M. de Jouy ; de l’autre, il introduisait sur la scène les Français du moyen âge, les hommes de Shakspeare et de Schiller. Il détrônait Aristote et ses prétendues unités, et, délivrant le drame de ses lisières, il le lançait dans une voie plus large, entre l’histoire et le cœur