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de franchise, et ces deux amans, au lieu de se réfugier dans la mort, vont se cacher dans leur crime et vivre de leur infamie. Adèle masquera sa honte sous un sourire, et fardera l’adultère d’hypocrisie : criminelle au fond, vertueuse en apparence, elle se partagera entre son mari et son amant ; deux fois vile et deux fois aimable, ce sera Térésa. Antony, de son côté, armera son amour de ruse au lieu de désespoir ; il éteindra sa jalousie dans des caresses volées : amant de la femme, ami de l’époux, heureux par l’une, estimé par l’autre, voilà Arthur. C’est que ces choses se voient ailleurs qu’au théâtre. Maintenant qu’il entre, le mari, — colonel d’Hervey ou baron Delaunay, comme on voudra, — et le drame recommence avec de nouveaux caractères et des combinaisons nouvelles. Le baron Delaunay a-t-il une fille d’un premier lit ? Amélie sera l’épouse d’Arthur. Complications de perfidies, croisement d’adultères, jusqu’au moment où les deux victimes, le vieillard et la jeune femme, le père et l’enfant s’éclaireront l’un par l’autre. Alors le drame se relève en se dénouant ; l’intérêt s’accroît en se déplaçant. De Térésa et d’Arthur il se reporte d’abord sur Amélie, ange d’innocence et d’amour, qui traverse toute cette intrigue de crimes et de faussetés sans que sa pureté en soit ternie, sans que son bonheur en soit altéré ; et puis sur Delaunay, noble vieillard à l’ame ardente, au cœur généreux, qui se réveille entre l’inceste et l’adultère, entre un déshonneur irréparable et une vengeance impossible.

Cette pièce rappelle un peu trop l’École des Vieillards, le meilleur ouvrage de M. Delavigne, et la Mère et la Fille, de M. Mazères. Son plus grand tort est d’être venue après Antony. Il y a certes autant de talent et d’intérêt dans Térésa, et plus de situations. Mais ce drame est d’une nature moins forte, moins exceptionnelle que son aîné. Térésa, c’est la trivialité, le prosaïsme de l’adultère ; Antony en est l’héroïsme et la poésie. L’un est la règle, l’autre l’exception. Antony, enfin, a fait Térésa. Il a fait bien d’autres choses, livres ou romans, plus belles que Térésa et peut-être qu’Antony.

M. Dumas nous avait montré l’homme individuel, passionné, Antony, en lutte avec les devoirs et les préjugés de famille : voici venir l’homme politique, l’ambitieux en face des devoirs d’état et des