Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
LITTÉRATURE ANGLAISE.

retraite, il fut, remplacé, mais non immédiatement, par John Gibson Lockart. Un changement remarquable s’opéra bientôt dans la rédaction du Quarterly ; le talent y trouva plus de bienveillance et de protection ; on y fit réparation à Shelley pour les injures qu’on lui avait prodiguées ; on loua l’imagination classique de Keats ; en un mot on y prit pour devise « Bienveillance à tous ceux qui ont du talent, quels qu’ils soient. » Ce ne fut point tout : le directeur força les rédacteurs de renoncer à leurs invectives ordinaires contre l’Amérique ; l’amour de la liberté et l’admiration dont Washington Irving était l’objet en faisaient une loi : on y rencontra bien encore de temps à autre quelques sorties contre les principes républicains, et quelques boutades sur la différence des mœurs ; mais elles étaient tolérables, et nos frères du continent américain nous surent gré de cet accroissement de bienveillance et de cette diminution d’animosité. On ne s’attendait point à de pareils changemens sous la direction de Lockhart. Il avait la réputation de se complaire dans les sarcasmes et dans l’ironie, armes qu’il maniait très habilement et dont il s’était fréquemment servi. Enfin on le regardait comme un second Jeffrey : on fut agréablement trompé. Il est, à la vérité, quelquefois sévère, il pèse les romans qu’il critique dans la balance de Waverley, et il les trouve légers ; mais en somme il est juste et tolérant, il a de l’imagination et du savoir, alliance rare chez les directeurs de Revues.


Quoique l’Edinburgh, le Quarterly et le Westminster marchent en tête de nos recueils périodiques, nous ne sommes point disposés à les regarder comme influençant seuls notre littérature. En effet, quelques-unes des meilleures dissertations sur la poésie qui aient été publiées dans ce pays sont écrites par l’excellent poète John Wilson, et ont paru dans le Blackwood’s Magazine. Il a surabondance de cette imagination qui manque à Jeffrey ; souvent, après avoir accompagné un grand poète jusqu’aux régions les plus élevées du Parnasse, il quitte l’édifice céleste qu’il visite, pour se mêler à quelques braconniers qui chassent au pied du mont. Il ne choisit point quelque recueil spécial pour y déposer ses remarques ; il sème ses observations critiques de tous côtés, on en trouve, et des meilleures, jointes à des scènes d’orgie. Ses dissertations sur Homère viendront à l’appui de ce que j’ai dit de son talent. Où trouver plus de savoir, plus de connaissances réelles, plus de sentiment, unis à tant de génie et à un jugement aussi vrai ? Il connaît toutes les traductions anglaises d’Homère, et il est disposé à accorder la palme à celle de Cowper ; opinion qui diffère de celle de beaucoup de critiques, et qui n’en est pas moins juste. Il rend justice au génie naturel de Hogg, et dans ses recherches sur Burns, il l’a apprécié tout à la fois comme homme et comme poète,