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LE MARQUIS DE SANTILLANE.

lane, après la bataille d’Olmédo, où il avait contribué au succès des armes de Castille contre le roi de Navarre. Constamment employé par Jean ii au service de l’état, et ami de Henri iv, Santillane n’hésita ni à résister au premier, ni à déplaire au second, dans l’intérêt du bien public, qu’il considérait avant tout, et il ne fut jamais le courtisan ni de l’un ni de l’autre de ces rois. Il se reposait des fatigues des armes et des affaires, en écrivant à don Alphonse de Carthagène, évêque de Burgos, une lettre curieuse sous le titre de Question sur l’origine de la guerre. On peut vraiment dire de son caractère que c’était celui du chevalier chrétien, tel que l’idéalisa la poésie du moyen-âge. La renommée dont il jouissait était si étendue, que des étrangers firent le voyage d’Espagne exprès pour le voir. Il avait épousé à l’âge de vingt ans une femme digne de lui par ses vertus, et il en avait eu sept fils et trois filles. Son fils aîné fut le premier duc de l’Infantado. Santillane mourut en 1458, âgé de soixante ans. Sa mort inspira une longue élégie à don Gomez Manrique, son neveu. Jean de Mena, le poète castillan le plus célèbre du quinzième siècle, composa aussi, à la louange de Santillane, un poème intitulé le Couronnement (la Coronacion). Mena suppose qu’il monte au Parnasse, et qu’il y voit Santillane couronné de lauriers par les neuf Muses, et de branches de chêne par les quatre vertus cardinales.

Mais que, dans une vie battue par les tempêtes des temps orageux qu’il traversa, Santillane eût trouvé des heures de calme pour acquérir une étendue de connaissances égale à celle des esprits les plus riches de son siècle, que l’histoire eut pu, à titre légitime, le surnommer le savant, el sabio[1], c’est là ce qui nous surprendrait bien plus encore, n’étaient les exemples de ce phénomène fournis par les annales de la plupart des peuples à certaines époques. On ne s’en étonne pas moins, à voir le catalogue de tous les ouvrages que Santillane a laissés, et le fonds de savoir qu’ils révèlent, que les loisirs, même les plus laborieux, d’un homme d’état et de guerre aient suffi à produire tant de fruits. Jean de Lucena, dans un dialogue fictif entre Alphonse de Carthagène, évêque de Burgos, Jean de Mena et le marquis de Santillane, fait dire par celui-ci à

  1. Sandov. descend. de la casa de Mendoza.