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chent et recouvrent souvent les derniers débris d’une antique vérité méconnue ; il faut les étudier pour y déchiffrer les vestiges d’un passé perdu à jamais. Quelque extravagantes que soient les traditions, elles ne sont jamais indignes de nos regards, elles influent sur les peuples, se mêlent à leurs habitudes, à leur littérature, à leur religion, changent leurs mœurs, deviennent des symboles et des types, et s’associent d’une manière indélébile aux races qui les ont produites. Nos traditions populaires sur le grand Alfred, les traditions françaises relatives à Charlemagne et à Roland ne font-elles pas partie de la nationalité intime des peuples dont je parle ? » Ces réflexions si justes que sir John Malcolm ne s’est pas contenté de développer dans sa préface, mais qu’il a mises en pratique avec beaucoup de talent, jettent sur ses ouvrages une couleur originale et une teinte précieuse de localité, de vérité. La plupart de ses descriptions de paysages ont été faites sur place. Son Histoire de l’Inde centrale a été composée toute entière pendant un voyage dans ce beau pays ; tantôt ce sont les coutumes de ces peuples qu’il décrit d’après ses observations personnelles, tantôt quelques passages des poètes nationaux qu’il cite à l’appui de ses pages. La narration d’un prêtre, le récit traditionnel d’un pâtre, nous en apprennent bien plus, ont bien plus de couleur et de vie que de longues dissertations érudites ne pourraient en avoir ; ni les absurdités religieuses, ni les folies mystiques, ni les anecdotes singulières ne sont dédaignées par lui. Ce qu’il veut surtout, c’est nous donner, à nous Européens, une idée juste de ces contrées merveilleuses, des idées et des mœurs étranges qui les animent. Dans ses Esquisses persanes, sir John Malcolm a jeté tout ce qu’il y a de poétique, de gracieux, de touchant dans les mœurs orientales ; il a surtout cherché à amuser et à intéresser par ses tableaux. Il a consacré son Histoire politique aux matières graves et s’est montré judicieux, libéral et instruit.

Cet écrivain remarquable réunit plusieurs qualités fort différentes : une certaine vivacité de pensée qui n’est pas la profondeur, mais qui a du naturel et du charme, une sensibilité poétique, de l’habileté pittoresque, et l’art de concevoir l’histoire sous le point de vue dramatique. À la fois orné et simple, son style a de la grace et de la variété. On se souvient encore de l’effet que produisait sa conversation pleine d’anecdotes, de traits heureux, de saillies gaies, de détails pathétiques et aussi de sages conseils.

    quelques villes antiques comme des hommes et non comme des demi-dieux. Elle a surtout l’avantage de réfuter les nombreuses erreurs que les Plutarque, les Lucien et tous les écrivains grecs d’une époque postérieure ont répandues et accréditées sur les premiers temps des républiques.