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remarquable, qui florissait au commencement du treizième siècle, c’est que pour lui ce nom avait aussi retenti en vain.

Des hauteurs de son érudition académique, empruntée au consistoire de la gaie science de Toulouse, Santillane n’a laissé tomber qu’un regard de dédain sur ces romances irrégulières, qui cependant, de son propre aveu, faisaient les délices du peuple[1]. Quoique la forme sous laquelle les romances espagnoles s’offrent à nous aujourd’hui soit postérieure au siècle de Santillane, la voix populaire de son temps méritait d’être écoutée lorsqu’elle préludait, bien qu’avec une naïveté encore inculte, aux chants qui devaient perpétuer le souvenir des âges héroïques et chevaleresques de la patrie, et en former la vaste et noble épopée. C’est cette poésie essentiellement nationale que les préoccupations d’un art dédaigneux lui ont fait méconnaître ; et ce sont ces mêmes préoccupations qui l’aveuglaient lorsqu’il a décerné la palme de la supériorité poétique aux Français de l’Aquitaine, c’est-à-dire ici aux académiciens de Toulouse. Un étrange aveu aussi de Santillane, même dans l’indigence de la publicité manuscrite, c’est celui qu’il fait de ne connaître les œuvres d’Alphonse-le-Savant que par ouï-dire. Elles sont cependant nombreuses et capitales les œuvres de ce puissant génie, et grande a été leur influence, à n’en considérer même que la partie poétique, sur les progrès de la langue castillane au xiiie siècle. Esprit universel, poète, mathématicien, philosophe, historien, législateur, astronome, physicien, Alphonse x, roi sur la terre, l’a été bien plus encore dans l’empire supérieur des intelligences ; il est une des plus grandes gloires de la littérature espagnole. Entiché de l’art des troubadours d’académie, Santillane s’enivra avec ses contemporains à la source de l’imitation étrangère, sans regarder derrière lui la poésie essentiellement indigène que la muse castillane n’emprunta ni des Italiens, ni des Provençaux, ni des Mainteneurs[2] de la gaie science. L’arrivée de ces derniers en Espagne, à la fin du xive siècle, y apporta la contagion d’une épidémie poétique qui ne tarda pas à se développer

  1. Estos romances é çantares, de que la gente baja é de servil condicion se alégra.
  2. Mantenedores.