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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/24

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à dire ne pouvaient que déplaire aux Espagnols, qui prétendaient avoir combattu seuls pour leur indépendance, et repoussaient comme une imputation calomnieuse la honte d’avoir été sauvés par les hérétiques. Mais Napier se souvenait que les Espagnols, si acharnés contre les Français, n’avaient pas moins de rage contre les Anglais protestans, qui étaient venus leur apporter la liberté. Il se souvenait qu’au moment où la flotte anglaise s’était éloignée des côtes espagnoles, le départ des hérétiques avait été célébré par un Te Deum général, chanté dans toutes les villes d’Espagne. Il se souvenait de l’antipathie des paysans pour les soldats, de la lenteur avec laquelle on leur envoyait des secours d’hommes et d’argent, surtout du sentiment de mécontentement et d’humiliation que les Espagnols ne manquaient jamais d’exprimer quand on leur rappelait le service éminent que les Anglais leur avaient rendu. Peut-être, en cherchant à venger ses compatriotes et à relever leur gloire, le colonel Napier a-t-il montré trop d’impétuosité, de partialité, d’ardeur : mais ce n’est pas à nous de lui reprocher ce défaut, dont la source est l’amour de la patrie. J’ai entendu de fort bons juges comparer le colonel Napier aux plus illustres de tous les historiens, à César et à Tacite.


L’Europe au moyen-âge et l’Histoire constitutionnelle d’Angleterre feront vivre long-temps le nom de Henry Hallam. Le premier de ces deux ouvrages me semble de beaucoup supérieur à l’autre. Quelques critiques l’ont préféré à l’œuvre capitale de Robertson, sous le rapport de la critique, de l’étendue des vues, et de la lucidité des dispositions. Le second ouvrage que nous avons cité, défectueux sous le rapport du plan et de la pensée première, se fait remarquer par une impartialité rare, par une candeur bien précieuse dans ce temps où règne l’esprit de parti, par une judicieuse et noble fermeté qui se fait un devoir de n’admettre aucune exagération, aucun dénigrement. Ajoutez à ces mérites un style fort et original, bien qu’il soit entaché quelquefois d’obscurité ; style grave, plein de faits et d’idées ; style qui s’élève quelquefois jusqu’à une éloquence haute et calme.

Rien de plus intéressant que l’Histoire de l’Europe au moyen-âge. On y voit l’ordre sortir du désordre, et sur les cendres du passé, au milieu des ruines des vieux empires, des empires nouveaux surgir et se développer ; le règne de la violence se discipliner lui-même, élever une barrière et une digue en faveur des faibles contre les forts ; enfin l’Europe moderne se préparer et se forger, pour ainsi dire, dans cette fournaise ardente.

Le sujet de l’Histoire constitutionnelle d’Angleterre était beaucoup moins heureux. C’est, selon nous, une idée maladroite et peu philosophi-