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REVUE DES DEUX MONDES.

§. ii.

C’est une chose éternellement regrettable que Michel-Ange n’ait pas réalisé le mausolée de Jules ii, tel qu’il l’avait d’abord conçu. Ce que nous avons ressemble si peu à ce que nous aurions eu, qu’on ne peut trop maudire le duc d’Urbin et ses co-héritiers, qui, par leurs mesquines chicanes, ont arrêté l’exécution définitive et complète de ce magnifique projet.

Le mausolée devait offrir un massif quadrangulaire, orné de niches où auraient été des Victoires, décoré par des Termes faisant pilastres, auxquels eussent été adossées des figures de captifs. Il devait supporter un second massif plus étroit autour duquel eussent été placées des statues colossales de prophètes et de sibylles. Le tout devait être couronné, par retraites, d’une masse pyramidale où auraient trouvé place des bronzes et d’autres figures allégoriques.

Condivi et Vasari varient sur quelques détails de ce mausolée. Mais, d’après la description qu’ils en ont laissée, il est permis de croire que cette grande pensée littéralement réalisée eût été le chef-d’œuvre de Michel-Ange ; car la sculpture, il l’a dit en mainte occasion, était son art de prédilection : les beautés sans nombre qui se rencontrent dans la chapelle Sixtine et dans le Jugement dernier sont plutôt sculpturales que pittoresques.

N’est-il pas singulier que dans une carrière de soixante-dix ans toute remplie de travaux, de volontés persévérantes, d’études assidues, de veilles ardentes et courageuses, un homme, qui fut le premier artiste de son temps, n’ait pas trouvé moyen d’achever, de produire, et d’armer pour une vie durable une idée qui, pour sa conscience, exprimait à la fois la forme la plus exquise de la reconnaissance et de la beauté ? Il avait dû à Jules ii sa première gloire ; il voulait baptiser du nom de son bienfaiteur l’œuvre la plus imposante de sa vie.

L’explication allégorique de ce mausolée, telle que nous la trouvons dans Vasari, est bizarre et tourmentée ; mais qu’importe ? Et