mément souillé, d’une grossière débauche avec des éclairs de passion divine, d’une souveraine et libre parole avec des besoins cupides ; et sa mémoire comme son corps, tantôt au Panthéon et tantôt sur la claie ! Or, maintenant voici le fils adoptif de Mirabeau, M. Lucas Montigny qui vient, après trente années de soins, d’examen pieux et de collations scrupuleuses, instruire de nouveau ce grand procès, en appeler des jugemens antérieurs, et, avec une quantité de pièces précieuses en main, tenter la réhabilitation de cette renommée qui est pour lui domestique. Ce point de vue de réhabilitation et de plaidoyer continu pourra sembler dès l’abord bien étroit et contraire à l’information entière et impartiale de l’équitable postérité. Mais M. Lucas-Montigny ne saurait être pour Mirabeau cette postérité froidement curieuse et assez indifférente des conclusions ; il ne faut pas le blâmer d’un effort et d’un but auquel on devra et l’on doit déjà nombre de pièces authentiques et de détails inconnus, puisés au trésor qu’il a pris peine à réunir ; de plus indifférens n’eussent pas fait ainsi, et ils auraient sans doute fait beaucoup moins. Les deux volumes, qui composent la première livraison des mémoires, traitent de la vie privée de Mirabeau durant les trente-et-une premières années jusqu’en 1780, et le laissent au milieu de sa captivité de Vincennes. Les papiers de famille dont M. Lucas-Montigny a fait usage, et notamment une correspondance ininterrompue entre le marquis et le bailli de Mirabeau, le père et l’oncle du nôtre, donnent à toute cette partie biographique un caractère d’authenticité et de nouveauté qui est pour le lecteur une vraie découverte. Souvent même, devenu exigeant avec l’estimable biographe qui ne tire de son trésor que ce qui se rapporte assez directement au récit, le lecteur voudrait plus d’excursions, plus de prodigalités de citations et d’extraits ; ou plutôt il voudrait tout, il lui faudrait toutes ces familiarités et ces divagations de correspondance. Lui, qui hier encore était tout rassasié de Mirabeau et ne croyait avoir rien d’important à apprendre sur cet homme si controversé ; lui, lecteur, qui hier ne connaissait le marquis économiste que par quelques ennuyeux volumes ou quelques épigrammes, et ne connaissait pas du tout le bailli, le voilà tout d’un coup épris d’eux, altéré de leur vie, de leurs opinions, de leur langage ; le voilà qui se fâche presque contre M. Lucas-Montigny qui ne nous
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