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REVUE DES DEUX MONDES.

LE ROI.

Y penses-tu ? la mort de mon bouffon ? d’un plaisant de cour bossu et presque aveugle ?

RUTTEN.

La princesse l’aimait.

LE ROI.

Dis-moi, Rutten, tu as vu le prince ; quel homme est-ce ? Hélas ! je lui donne ce que j’ai de plus précieux au monde, et je ne le connais point.

RUTTEN.

Je suis demeuré fort peu de temps à Mantoue.

LE ROI.

Parle franchement. Par quels yeux puis-je voir la vérité, si ce n’est par les tiens ?

RUTTEN.

En vérité, sire, je ne saurais rien dire sur le caractère et l’esprit du noble prince.

LE ROI.

En est-il ainsi ? Tu hésites ? toi, courtisan ! De combien d’éloges l’air de cette chambre serait déjà rempli, de combien d’hyperboles et de métaphores flatteuses, si le prince qui sera demain mon gendre, t’avait paru digne de ce titre ! Me serais-je trompé, mon ami ? Aurais-je fait en lui un mauvais choix ?

RUTTEN.

Sire, le prince passe pour le meilleur des rois.

LE ROI.

La politique est une fine toile d’araignée, dans laquelle se débattent bien des pauvres mouches mutilées ; je ne sacrifierai le bonheur de ma fille à aucun intérêt. (Ils sortent.)


Scène II.

(Une rue.)
SPARK, HARTMAN et FACIO, buvant autour d’une table.
HARTMAN.

Puisque c’est aujourd’hui le mariage de la princesse, buvons, fumons, et tâchons de faire du tapage.