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Consolation de Boëtius, et d’autres qui nous paraissent obscurs, ne sont souvent que la transmission d’antiques vérités voilées sous des chiffres, sous un jargon, sous un argot dont nous n’avons pas l’intelligence.

« Ce style symbolique, figuré, cet argot enfin, a toujours été employé, non par ignorance ou singularité, comme on le pense ordinairement, mais pour échapper aux poursuites et à la vengeance de ceux qui avaient le pouvoir en mains.

« Les savans les plus lettrés, les plus illustres, tels que Pythagore, Platon chez les anciens, Dante, Pétrarque et Boccace parmi les modernes, ont tous été de ces écoles mystérieuses.

« La civilisation moderne, si répandue aujourd’hui, est en grande partie le fruit tardif de ces écoles secrètes qui ont fait successivement et peu à peu pénétrer leurs doctrines dans tous les esprits.

« Depuis la décadence de la langue latine et dans les pays où on la parlait encore, cette école secrète fut la première qui cultiva les langues vulgaires et les rendit usuelles en les perfectionnant.

« Le monde a de grandes obligations à cette école, puisqu’il a constamment profité de bienfaits dont il ne connaissait pas la source.

« C’est cette école dont les travaux furent si grands et si constans, qui, par l’infatigable activité de ses prosélytes, a répandu et entretenu dans toute l’Europe, pendant le cours de plusieurs siècles, cette haine profonde contre Rome qui fit naître dans tous les esprits un conflit d’opinions dont le Vatican se sentit comme ébranlé, et qui fit germer et établit enfin l’idée de la réformation dans la plus grande partie de la chrétienté.

« Enfin l’éruption, en quelque sorte volcanique, de la liberté de penser, et cette effervescence de passions politiques qui agitent les esprits et les cœurs dans toute l’Europe, depuis plus d’un demi-siècle, est l’effet tardif des efforts lens, mais si constans de cette vieille école, dont le but a toujours été d’affranchir l’homme de la tyrannie sacerdotale et du despotisme monarchique. »

Telles sont les conclusions du livre de M. G. Rossetti, ouvrage assez volumineux, écrit en italien et hérissé de citations tirées des anciens poètes toscans, ce qui le rend peu propre à être traduit. En