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ANCIENNE LITTÉRATURE ITALIENNE.

la cour de Rome jetaient les premières semences de cette lutte haineuse et sanglante qui dura si long-temps entre les partis gibelin et guelfe. Il importe même, à ce sujet, de remarquer que l’empereur Frédéric ii, roi de Naples et de Sicile, qui passe pour avoir donné naissance, vers 1240, à ces deux factions, par ses querelles avec le pape Grégoire ix, est compté aussi au nombre des premiers qui ont fait des vers italiens. Il faut même ajouter que les chansons qui restent de lui en cette langue, sont écrites dans le mode éroto-platonique.

On doit répéter aussi que ce système littéraire, amoureux ou sectaire, a prévalu dès l’instant que l’usage de la langue vulgaire a été adopté, et qu’au contraire, quand on voulait exposer des faits, des raisonnemens ou bien une doctrine morale ou scientifique, on avait recours au latin. Dante en fournit des exemples dans ses lettres et particulièrement dans son traité De Monarchia. C’est ce que l’on peut observer également dans les œuvres complètes de Pétrarque et de Boccace.

Mais avant de passer outre, j’ajouterai ici un document curieux, négligé par M. Rossetti, et qui est de nature cependant à jeter du jour sur l’état des esprits, en Italie, à l’époque où les guerres des partis gibelin et guelfe étaient dans toute leur force ; où la littérature en langue vulgaire prévalait, et où tous les hommes mécontens, et exprimant la haine que leur inspirait la cour de Rome, appelaient de tous leurs vœux l’arrivée de l’empereur, comme celle d’un messie. D’après les promesses de l’empereur Henri vii, ce grand évènement devait avoir lieu en 1314. Or, sept ans avant, on brûla vif un certain Dulcinus, hérétique patarin, qui fut pris avec toute sa secte, auprès de Verceil en Piémont, après un combat long et opiniâtre. Muratori, parmi les écrits du moyen-âge qu’il a fait connaître, donne une relation latine, écrite par un contemporain, de l’histoire et des opinions de la secte dont ce Dulcinus était alors le chef. Voici les principaux points de la profession de foi que firent ce sectaire et ses disciples, lorsqu’ils furent condamnés au supplice : ils prenaient le titre d’apôtres, disant que leur ordre ou communauté avait été ainsi institué et nommé par Gérard Seguerelli de Parme, lequel avait été brûlé quelques années auparavant ; que Seguerelli était le fondateur de leur secte ; qu’ils ne reconnaissaient