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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/394

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REVUE DES DEUX MONDES.

ni l’église romaine, ni les cardinaux, ni le pape ; qu’eux seuls Patarins, avaient la véritable tradition des vertus évangéliques ; que les dîmes ne devaient pas être payées au clergé romain qui avait abandonné cette perfection morale et cette véritable pauvreté dans lesquelles vivaient les premiers apôtres ; que l’homme et la femme avaient le droit de vivre ensemble et de satisfaire leurs désirs mutuels, sans commettre un péché ; que la vie est plus parfaite sans vœux qu’avec des vœux ; outre cela, ils croyaient que pour aucune cause, dans aucun cas, on ne devait jamais jurer, si ce n’est à l’occasion des articles de foi et des commandemens de Dieu ; que quant à tout le reste, on pouvait cacher ce que l’on savait, en jurant même de dire la vérité aux cardinaux et aux inquisiteurs ; que l’on n’était nullement tenu par ce serment de révéler ses opinions et sa doctrine, et qu’on n’était point obligé de se défendre par ses paroles, mais dans son cœur. Il leur était recommandé de dogmatiser toutefois, quand et où ils pourraient, en cachette ; qu’en tous cas si on les forçait de jurer en les menaçant de la mort, ils pouvaient mentir, sans crainte de commettre un péché ; qu’enfin s’ils ne pouvaient échapper au supplice, alors ils devaient avouer et défendre ouvertement leur doctrine et mourir avec courage sans trahir leurs co-sectaires.

Ce Dulcinus déclara qu’il avait reçu le don de prophétie, et que Dieu lui avait révélé, vers l’année 1305, que Frédéric, roi de Sicile, fils de Pierre d’Aragon, deviendrait empereur, instituerait dix rois en Italie, mettrait à mort le pape, les cardinaux, les prélats de l’église romaine et tous les religieux, excepté ceux d’entre eux qui viendraient se joindre à sa secte ; et qu’enfin lui, Dulcinus, serait placé sur le siège du bienheureux saint Pierre, d’où il ferait connaître la vérité.

D’après les statuts de la secte, Dulcinus avait une femme qui vivait avec lui. Elle se nommait Marguerite. Tous les sectaires étaient à peu près dans le même cas, et ils donnaient à la femme qui leur était attachée, le nom de sœur en Jésus-Christ[1].

Je dois à la vérité de dire que dans cette curieuse chronique je n’ai rien trouvé qui indiquât que, parmi ces hérétiques, on eût

  1. Muratorii Script., vol. 9, pag. 459.