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En 1819, Brougham, son conseil légal, demanda à lord Liverpool, alors premier ministre, que sa pension de 35,000 livres sterling lui fût continuée pendant sa vie, dans le cas où le prince viendrait à mourir, promettant qu’ainsi pourvue, elle s’engagerait à ne jamais revenir en Angleterre. Brougham a toujours soutenu que cette demande venait de lui seul et n’avait pas été concertée avec son illustre cliente. Ces conditions ne furent acceptées définitivement par les ministres qu’en avril 1820. Ils offrirent même de porter sa pension annuelle à 50,000 livres sterling.

Cependant les choses étaient bien changées. Le nouveau roi était monté sur le trône, et à ses premières duretés pour sa femme, il avait ajouté une insulte qui ne pouvait se justifier par aucun soupçon authentique ; il avait rayé son nom de la liturgie anglaise (qui jamais jusqu’alors n’avait négligé de prier pour la reine régnante). Brougham, pour n’importe quelle raison, ne fit pas connaître à la reine les dispositions du ministre. Elle s’était déjà décidée à revenir en Angleterre ; cette résolution, comme il l’a plusieurs fois soutenu depuis, était le résultat de ses réflexions personnelles et indépendantes. Toutefois elle s’avançait lentement et avec hésitation lorsqu’elle fut rencontrée à Monbar, entre Dijon et Paris, par l’alderman Wood, citoyen de Londres, bien connu pour la violence de ses opinions politiques, qui saisit avec empressement cette occasion de devenir l’ami et le conseil d’un personnage dont il prévoyait la popularité. D’après son avis, elle hâta sa marche et témoigna la plus vive impatience d’arriver au but de son voyage. Enfin Brougham la vit à Saint-Omer six semaines après avoir reçu les propositions du ministère. Alors encore il ne les lui communiqua pas personnellement, mais chargea de cette commission son compagnon de voyage, lord Hutchinson, ami particulier de la reine, qui agit dans cette occasion comme le serviteur dévoué du ministère. Les conditions, comme on pouvait s’y attendre, furent rejetées avec indignation, et la reine partit sans prévenir son avocat, le laissant, ainsi que lord Hutchinson, fort étonné de sa disparition. Elle arriva en Angleterre, le 4 juin 1820, accompagnée de Wood et de lady Anne Hamilton.

Tel est, en peu de mots, le prologue de cette singulière intrigue : les motifs qui dirigèrent les acteurs, les secrètes négociations qui