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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

conduisirent à ce résultat sont encore aujourd’hui inconnus du public. Durant les débats acharnés qui suivirent, Brougham fut souvent accusé par ses adversaires : on lui demandait pourquoi il avait d’abord proposé d’éloigner la reine, pourquoi il avait ensuite négligé de lui notifier immédiatement le consentement des ministres à sa proposition, pourquoi enfin la dernière offre amiable lui avait été faite par un ennemi, lord Hutchinson, et non pas par son conseil. Il a répondu que la conduite du roi à son avènement ne permettait pas aux amis de la reine d’espérer un arrangement amiable entre les deux époux, et que d’autres évènemens secrets, étranges et impossibles à dire, l’avaient empêché de suivre sa première intention. Avait-il changé d’opinion, ou bien, ayant l’intention de conseiller à la reine d’éviter un débat public avec son mari, avait-il été déjoué par l’inopportune arrivée de Wood, et par le caractère impétueux de cette malheureuse princesse ? Ces questions seront peut-être un jour résolues par les biographes futurs plus facilement que par nous.

L’arrivée de la reine mit toute l’Angleterre en émoi. Jamais aucun ministère britannique ne s’était placé dans une position aussi basse que celui-ci, en obéissant lâchement aux passions d’un homme qui, s’il était lui-même offensé, s’était rendu coupable d’une injure bien plus grande. Il paraît que d’abord ils mettaient au défi le pouvoir de la reine ; ils espéraient la placer sous une accusation de haute trahison ; leurs jurisconsultes avaient oublié qu’une telle charge ne pouvait se fonder sur l’adultère de la reine, d’après les lois anglaises, puisque le crime avait été commis avec un étranger et hors du royaume. Lorsqu’ils apprirent pour la première fois que la reine s’était résolue à revenir en Angleterre, ils recueillirent en Italie une masse de preuves pour établir le crime. Preuves en main, ils désiraient l’épouvanter et la soumettre sans commencer une enquête réelle. La vérité est qu’ils commençaient à voir clairement les difficultés de leur situation ; ils étaient impopulaires comme leur maître. L’opposition parlementaire était forte ; les ouvriers des districts manufacturiers sortaient à peine de cet état de demi-insurrection si commun en Angleterre. Aussi, les ministres, en même temps qu’ils refusaient de reconnaître son innocence, essayaient par tous les moyens possibles d’é-