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FANTASIO.

SPARK.

Pourquoi n’écris-tu pas tout ce que tu rêves ? cela ferait un joli recueil.

FANTASIO.

Un sonnet vaut mieux qu’un long poème, et un verre de vin vaut mieux qu’un sonnet. (Il boit.)

SPARK.

Pourquoi ne voyages-tu pas ? va en Italie.

FANTASIO.

J’y ai été.

SPARK.

Eh bien ! est-ce que tu ne trouves pas ce pays-là beau ?

FANTASIO.

Il y a une quantité de mouches grosses comme des hannetons qui vous piquent toute la nuit.

SPARK.

Va en France.

FANTASIO.

Il n’y a pas de bon vin du Rhin à Paris.

SPARK.

Va en Angleterre.

FANTASIO.

J’y suis. Est-ce que les Anglais ont une patrie ? J’aime autant les voir ici que chez eux.

SPARK.

Va donc au diable, alors !

FANTASIO.

Oh ! s’il y avait un diable dans le ciel ! S’il y avait un enfer, comme je me brûlerais la cervelle pour aller voir tout ça ! Quelle misérable chose que l’homme ! ne pas pouvoir seulement sauter par sa fenêtre, sans se casser les jambes ! être obligé de jouer du violon dix ans, pour devenir un musicien passable ! Apprendre pour être peintre, pour être palefrenier ! Apprendre pour faire une omelette ! Tiens, Spark, il me prend des envies de m’asseoir sur un parapet, de regarder couler la rivière, et de me mettre à compter un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, et ainsi de suite jusqu’au jour de ma mort.