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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/466

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REVUE DES DEUX MONDES.

rieuses, plusieurs ont été salis de sang. Mais la vierge prophétique est maintenant plus hautaine dans ses demandes : ce qu’elle veut, c’est un parlement annuel, c’est le vote par tête, c’est le suffrage par millions. Vous détournez la tête avec indignation. La voici qui s’en va pour la seconde fois : prenez garde à sa troisième venue ; prenez garde au trésor amaigri qu’elle vous apportera ; qui peut savoir ce qu’elle vous demandera ? C’est peut-être la masse qui repose sur ce ballot de laine. Ce qui peut arriver de votre obstination, si vous y persistez, je ne puis prendre sur moi de le prédire, et je ne désire pas le conjecturer. Mais ce que je sais bien, c’est que, aussi sûr que l’homme est mortel, la justice différée élève le prix auquel vous devrez acheter votre salut et votre paix. Soyez-en sûrs, mylords, la croix que vos devanciers ont portée, vous la porterez aussi, si vous persévérez dans leur abominable entêtement ; si vous semez l’injustice, vous récolterez la rébellion. »

On ne peut manquer de remarquer le ton de menace qui circule dans toutes ces pensées. En fait, ceci est une singularité, mais non pas un avantage du talent oratoire de Brougham. Trop véhément pour persuader, trop rude et trop sarcastique pour faire un appel aux sentimens généreux, il abandonne trop souvent l’argumentation pour la menace, la moins puissante et la plus faible ressource de l’orateur. Des dénonciations de ce genre perdent leur effet quand elles sont employées en toute occasion par des orateurs de l’opposition. Si le refus de la plus faible concession demandée par l’orateur arrache de lui une prédiction de ruine contre ceux à qui il s’adresse, un tel langage est ordinairement considéré comme un pur artifice de rhétorique. Mais de telles prophéties, lorsqu’elles viennent d’hommes forts de toute l’influence de la faveur nationale et de l’opinion publique, manquent rarement de s’accomplir. Dans cette occasion, elles reçurent une terrible lumière des incendies de Bristol et de Nottingham, et de l’organisation des unions politiques dans toute la Grande-Bretagne.

On peut douter que les ministres eussent prévenu ces démonstrations de l’opinion populaire, même en s’unissant à leurs antagonistes dans ce dessein. Il est certain qu’ils profitèrent de ces démonstrations, car une grande majorité de leurs adversaires tories,