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d’argent pour les ministres d’un autre culte, payer des sommes exorbitantes pour maintenir dans une splendeur inaccoutumée une église qu’ils détestent, et qui a peu de croyans, c’est sans aucun doute une dégradation, une marque de servitude qu’ils cherchent très légitimement à effacer ; et le public anglais ne penserait pas autrement, s’il pouvait être juge de sa propre politique, comme il l’est de celle de ses voisins.

Nous nous rappelons avoir lu, dans le livre d’un Anglais très religieux et excellent protestant, l’énumération des griefs des Vaudois sous le gouvernement de Turin, au nombre desquels il mentionne, comme l’un des plus sérieux, l’obligation où ils sont de contribuer aux frais des prêtres catholiques. Néanmoins en Irlande, et probablement aussi dans les Alpes, la plaie est plutôt apparente que réelle ; l’injustice n’atteint que les sentimens. Aucun fardeau ne pèse en réalité sur le contribuable nominal ; la dîme, de quelque manière qu’elle soit levée, n’est qu’une portion du grand produit du sol ; ou plutôt c’est une portion du sol lui-même, comme les économistes commencent à le reconnaître, et comme les agriculteurs intelligens le savaient depuis long-temps. Il serait donc plus exact de dire qu’un dixième du territoire irlandais appartient au clergé catholique pendant que les autres neuf dixièmes appartiennent exclusivement au clergé protestant ; les laboureurs et les fermiers qui s’unissent pour exciter à la révolte contre les dîmes, ne sont pas en effet plus grevés par l’existence de l’une de ces propriétés que par celle de l’autre : il faut excepter toutefois les vexations exercées dans la levée de cet impôt, et que la législature a depuis long-temps abolies peu à peu en réduisant la dîme au caractère de toute autre taxe. Le paysan n’est pas plus pauvre d’un shelling par l’existence du clergé protestant qu’il ne le serait sans lui. Au contraire, il jouit du bienfait qui naît de la présence d’un certain nombre d’hommes éclairés, tenus de résider en grande partie sur leurs bénéfices, et obligés d’être, autant que faire se peut, les amis des pauvres, pendant que les propriétaires laïques vont s’amuser à Londres, à Paris et dans tous les bains d’Europe, aux dépens d’un peuple plus misérable que celui de la Pologne. Tel est le véritable état des choses, et il est évident qu’un revenu aussi élevé ne peut être aboli que graduellement, à moins que ce ne soit par un acte