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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

de réforme qui conduirait à une révolution. Jusqu’à ce que cette abolition s’opère, c’est le devoir du gouvernement de protéger le citoyen dans la jouissance de ce que la loi lui attribue, et de le garantir de la violence qui cherche à le lui arracher.

Dans ces circonstances, que fera lord Brougham ? C’est une des questions que se fait le plus fréquemment la politique quotidienne en Angleterre. Depuis plusieurs mois, son esprit actif, infatigable, a été dans un état apparent de repos. Il n’a pris qu’une faible part aux affaires pendant les vicissitudes politiques qui ont agité le ministère auquel il appartient. Quant à sa cour de chancellerie, il s’y est jusqu’ici peu distingué malgré son zèle et son assiduité ; il avait à combattre une difficulté grave, celle de remplir des fonctions si ardues, sans connaître préalablement la partie des lois qu’il est appelé à appliquer.

La juridiction des cours de lois communes, comme nous les appelons, et celle des cours d’équité, que préside le lord chancelier, sont si essentiellement différentes, que la pratique et l’expérience de l’une ne suffiront jamais pour la connaissance de l’autre. C’est là un désavantage que ne feront jamais disparaître ni la science de la jurisprudence, ni la théorie générale des lois, matières dans lesquelles personne n’est plus versé que lord Brougham. Un juge inexpérimenté sera toujours timide, indécis et gouverné par les avocats les plus puissans de sa cour, quand il ne peut réfuter leurs assertions, et qu’il est obligé de les suivre sans contrôle.

Lord Brougham, à la vérité, projetait, dans les différentes branches de la législation, des réformes dont quelques-unes ont déjà été mises à exécution. Il a le projet de partager les fonctions de la chancellerie entre deux officiers distincts, l’un politique, l’autre judiciaire. Cette réforme est désirée par tout homme de sens ; mais les légistes la repoussent, parce qu’elle priverait leur profession de l’éclat qui lui vient d’un ordre de choses dans lequel leur plus illustre confrère se trouve être toujours un ministre influent du cabinet. Si ce projet passe en loi, on suppose que lord Brougham se consacrera entièrement à la législation politique. Il a aussi soutenu les projets présentés au parlement en faveur de l’abolition de l’emprisonnement pour dettes sur procès sommaires. Son opinion est que l’emprisonnement ne doit être maintenu que dans deux