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FANTASIO.

FANTASIO.

L’amour n’existe plus, mon cher ami. La religion, sa nourrice, a les mamelles pendantes comme une vieille bourse au fond de laquelle il y a un gros sou. L’amour est une hostie qu’il faut briser en deux au pied d’un autel, et avaler ensemble dans un baiser ; il n’y a plus d’autel, il n’y a plus d’amour. Vive la nature ! il y a encore du vin. (Il boit.)

SPARK.

Tu vas te griser.

FANTASIO.

Je vais me griser, tu l’as dit.

SPARK.

Il est un peu tard pour cela.

FANTASIO.

Qu’appelles-tu tard ? midi est-ce tard ? minuit est-ce de bonne heure ? Où prends-tu la journée ? Restons là, Spark, je t’en prie. Buvons, causons, analysons, déraisonnons, faisons de la politique ; imaginons des combinaisons de gouvernement ; attrapons tous les hannetons qui passent autour de cette chandelle, et mettons-les dans nos poches ; sais-tu que les canons à vapeur sont une belle chose en matière de philanthropie ?

SPARK.

Comment l’entends-tu ?

FANTASIO.

Il y avait une fois un roi qui était très sage, très sage, très heureux, très heureux…

SPARK.

Après ?

FANTASIO.

La seule chose qui manquait à son bonheur, c’était d’avoir des enfans. Il fit faire des prières publiques dans toutes les mosquées.

SPARK.

À quoi en veux-tu venir ?

FANTASIO.

Je pense à mes chères Mille et une Nuits. C’est comme cela qu’elles commencent toutes. Tiens, Spark, je suis gris. Il faut que je fasse quelque chose. Tra la, tra la ! Allons, levons-nous !

(Un enterrement passe.)