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REVUE. — CHRONIQUE.

lement tête à tête M. le Régent et son envoyé en Angleterre, l’abbé Dubois. Le cabinet anglais se montre aussi tel qu’il était lorsqu’il signifiait au roi mineur, pour prix de son alliance, de ne pas prendre le titre de roi de France, qui appartenait au souverain de l’Angleterre, et de se contenter du titre de roi très chrétien. La France cédait alors, comme elle cède aujourd’hui, sur des points non moins importans, et M. le duc d’Orléans se consolait en travaillant avec son ambassadeur-abbé à la conclusion de la triple-alliance. Un jour nous comparerons les étranges ressorts qui ont été mis en œuvre aux deux époques. Nous nous contenterons de dire aujourd’hui, qu’au moment où le ministère de M. Martinez de la Rosa semble se soustraire à l’influence que voulait exercer le gouvernement français, M. de Talleyrand a su faire nommer ambassadeur d’Espagne à Londres le général Alava, son ami, l’un de ses correspondans, nous dirions presque l’un de ses agens les plus actifs. Le général Alava a aussi entretenu autrefois une correspondance avec le duc d’Orléans, qui avait, comme on sait, des rapports très suivis avec un grand nombre de personnages politiques de divers pays. Quand il fut question d’insurger l’Espagne, après la révolution de 1830, la première pensée du roi Louis-Philippe fut pour le général Alava, qui était retiré à Valençay. Les journaux de Paris et de Londres qui parlent depuis quelques jours des échecs que notre diplomatie a essuyés à Madrid, n’ont sans doute pas compris toute la portée de cette nomination.

L’attention publique s’est portée plus vivement sur une affaire peut-être moins importante, la tentative infructueuse d’insurrection que vient de faire en Savoie le général Ramorino, à la tête d’une troupe de Polonais. Le général Ramorino est né à Thonon. C’est sur cette ville qu’il a dirigé son expédition ; il espérait sans doute y être soutenu par ses amis et par sa famille ; mais ses projets étaient connus depuis long-temps par les polices autrichienne, sarde et française, et cette dernière n’a pas été la moins active à travailler contre lui. On a parlé de trahison, mais il faut se défier de tous ces bruits et repousser avec pudeur de pareilles insinuations. Le général Ramorino porte un nom qu’il a illustré dans la guerre de Pologne, et l’on doit se souvenir qu’il a causé quelque inquiétude à la police de Paris. Elle est donc intéressée à le compromettre, et tous les moyens lui sont bons pour arriver à ses fins.

Le duc de Wellington a été nommé chancelier de l’université d’Oxford. C’est peut-être le seul membre de la chambre des lords qui ne soit pas en état de lire à livre ouvert les auteurs classiques, s’il les a même jamais lus. Mais l’université d’Oxford n’en est pas à choisir un savant pour chancelier. Dans l’ébranlement général qui se prépare en Angleterre, il lui faut un patron puissant qui la défende au parlement contre les cris de la réforme. Elle espère trouver cet appui dans le vieux ministre, mais il aura grand’peine lui-même à sauver ses traitemens et ses pensions qui ne seront pas moins attaqués que les gothiques privilèges d’Oxford. L’université d’Oxford se prépare à célébrer avec une grande magnificence l’installation du nouveau chancelier qui ne sera pas moins embarrassé de répondre à la harangue latine dont il sera salué, que ne le serait plus d’un membre de l’Académie française.

On fait beaucoup de bruit d’une mascarade qui a eu lieu à Paris, le mardi gras. Un phaéton traîné par quatre beaux chevaux blancs, ornés de rubans verts, a traversé plusieurs fois les boulevarts. Il portait le marquis de F.-J., le marquis de L., le comte de G., et plusieurs autres jeunes pélerins de Prague, déguisés, l’un en garde-française avec une large cocarde blanche à son chapeau, l’autre sous le costume écossais de Henri v, un troisième en cavalier du temps de Charles Ier. Sous les fenêtres du cercle de la rue