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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/505

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DE L’ALLEMAGNE DEPUIS LUTHER.

lisme étouffa tous ces émeutiers, comment il assura sa puissance dans le nord, et comment il fut blessé à mort par la philosophie, cet ennemi qu’il avait élevé dans son sein. C’est une histoire très confuse, très difficile à débrouiller. Le parti catholique sait trouver les plus méchantes raisons, et à l’entendre parler, il ne s’agissait que de légitimer la luxure la plus impudente et de piller les biens de l’église. Sans doute les intérêts intellectuels doivent toujours faire alliance avec les intérêts matériels, s’ils veulent vaincre ; mais le diable avait si bien mêlé les cartes, qu’on ne reconnut plus rien aux intentions.

Les personnages illustres qui s’étaient rassemblés, le 17 avril 1521, à Worms dans la grande salle de la diète, pouvaient avoir dans l’ame des pensées qui différaient de leurs paroles. Là siégeait un jeune empereur, qui s’enveloppait de sa pourpre neuve avec toute la joie et l’ardeur que met la jeunesse à s’emparer de la puissance, et qui se réjouissait secrètement de voir le fier pontife romain, dont la main avait si rudement pesé sur les empereurs et dont les prétentions n’étaient pas encore abandonnées, en butte lui-même à de rudes attaques. De son côté, le représentant de Rome avait le plaisir secret de voir la division s’introduire parmi les Allemands qui s’étaient si souvent jetés sur la belle Italie pour la piller comme des barbares ivres, et qui la menaçaient de nouvelles incursions. Les princes temporels se réjouissaient de pouvoir mettre la main sur les biens de l’église, au moyen des idées que répandait la nouvelle doctrine. Les éminens prélats délibéraient déjà s’ils n’épouseraient pas leurs cuisinières, pour léguer à leurs descendans mâles leurs électorats, leurs évêchés et leurs abbayes. Les bourgeois des villes se réjouissaient de l’extension de leur indépendance. Bref, chacun avait quelque chose à gagner, et tout le monde songeait aux intérêts terrestres.

Cependant il se trouvait là un homme qui, j’en suis sûr, ne songeait pas à lui, mais aux intérêts divins qu’il allait défendre. Cet homme était Martin Luther, ce pauvre moine que la Providence avait choisi pour briser cette grande puissance de Rome, contre laquelle les plus vaillans empereurs et les philosophes les plus hardis étaient venus échouer. Mais la Providence sait très bien sur quelles épaules elle dépose ses fardeaux. Il fallait ici une force non