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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/564

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REVUE DES DEUX MONDES.

Troie, celle des Mèdes, assister à l’élévation des murs d’Athènes, aller reprendre dans le passé Thémistocle qui échappait par la date de sa vie au sujet et à la plume de l’historien ; ne pas oublier Pausanias, ouvrir au lecteur la place publique de Lacédémone, d’Athènes, le secret de leur haine et de leur originalité ; rassembler toute la Grèce autour de deux rivales, et préluder à l’action par une évocation synthétique de toutes les causes, de tous les élémens, et de toutes les puissances que le temps, la nature et l’histoire avaient accumulées pour y aboutir, n’est-ce pas là un miracle de l’art, n’est-ce pas là un de ces développemens du génie qui rapproche la conception humaine de la conception divine ? Peut-être quand Xénophon fit connaître aux Grecs le livre du fils d’Olorus, quelques critiques, que sais-je ? quelques Béotiens blâmèrent cette introduction : l’infini, la profondeur et la majesté de l’œuvre furent appelés peut-être chaos, confusion et pesanteur ; mais Thucydide a déclaré laisser aux hommes un monument éternel et non pas un divertissement éphémère : par la pensée, il s’est enfui de son siècle pour mettre au service de sa gloire tout le temps dont les hommes auront à disposer sur la terre.

Dans cette histoire, telle que l’artiste l’avait conçue, le plus difficile était de commencer : l’action même devait être plus simple que les préambules. Quand Thucydide a exposé les préparatifs de Lacédémone et d’Athènes, et quand il a énuméré les peuples qui embrassaient la cause, les uns des Athéniens, les autres des Lacédémoniens, Athènes elle-même paraît sur le premier plan de la scène. Nous voyons les Athéniens obligés de rentrer dans leurs murs pour se préserver de la première invasion. À ce propos, l’historien remonte à la manière dont l’Attique était habitée dans la plus haute antiquité. Durant l’hiver qui suivit cette première invasion et les premières hostilités, Athènes célébra les funérailles des citoyens qui avaient succombé dans les commencemens de la guerre. Périclès fit le panégyrique solennel des morts, où il décernait à Athènes cette incontestable louange d’être l’école de la Grèce. Quelques jours après la seconde invasion de l’Attique, la peste se déclara dans la ville. On en sait la description. Cependant il se fit un grand changement dans l’esprit des Athéniens quand ils se virent la proie de la peste et de la guerre : ils accusaient Périclès,