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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/611

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REVUE. — CHRONIQUE.


Mort de Schleiermacher. — L’Allemagne, qui, depuis plusieurs années, voit disparaître ses illustrations les plus hautes et les mieux consacrées par le temps, vient, il y a quinze jours à peine, de faire une perte nouvelle. L’éloquent et savant Schleiermacher est allé rejoindre Niebuhr, Hegel et Goethe. Certes, quand nous l’entendions au mois d’octobre dernier prêcher à Berlin, dans l’église de la Trinité, et quand plus tard, au mois de novembre, nous l’entendîmes, dans la chaire universitaire, expliquer, comme théologien et comme philosophe, les épîtres de saint Paul, nous étions loin de craindre que le vénérable vieillard qui exerçait avec une si paisible énergie le double ministère de la parole évangélique et du professorat, serait si tôt ravi à l’affectueuse admiration qui l’entourait et à ses grands travaux. Berlin a vivement senti cette perte, et a témoigné sa douleur par un immense concours aux funérailles de l’homme célèbre que regrette aujourd’hui l’Allemagne. Un de nos amis nous mande que depuis l’enterrement de la reine, il n’y avait pas eu d’exemple d’une manifestation publique aussi profonde et aussi unanime. Partisans et adversaires, riches et pauvres, la cour et l’armée, enfin la population entière et toute la jeunesse se sont réunis dans la même pensée et les mêmes témoignages. Plusieurs discours ont été prononcés ; on a remarqué celui de M. Steffens. De pareils honneurs glorifient à la fois celui qui les reçoit et la grande cité qui sait les rendre. Schleiermacher est mort en travaillant à la traduction du Timée, et à un traité de dialectique ; sa traduction de Platon et ses sermons sont classiques ; c’est un des hommes qui a exercé le plus d’influence sur la pensée religieuse de l’Allemagne ; peut-être un jour essaierons-nous d’apprécier cette influence.


E. L.


HISTOIRE DES SUISSES À L’ÉPOQUE DE LA RÉFORMATION ; CONTINUATION DE JEAN MULLER, PAR M. HOTTINGER ; TRADUIT PAR M. VULLIEMIN


Peu d’ouvrages historiques, dans les temps modernes, ont obtenu un succès plus éclatant que l’Histoire des Suisses, par Jean Muller. Il y avait peut-être quelque exagération à le comparer, comme l’a fait Villers, à Tacite et à Thucydide ; mais il est du moins incontestable qu’il occupe le premier rang parmi les historiens de son pays. L’Allemagne, plus riche généralement en poètes qu’en prosateurs, lui doit un monument littéraire impérissable, et écrit avec beaucoup de simplicité et de clarté ; qualités qui, comme on sait, ne sont pas très communes parmi les écrivains allemands. Malheureusement, les fonctions politiques que Muller remplit à la fin de sa vie le forcèrent de suspendre ses travaux scientifiques ; et, lorsque la mort le frappa en 1809, il laissait son ouvrage inachevé. Quelques années après la mort de Muller, un jeune Soleurois, Gloutz, entreprit