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j’ai le projet de la séduire sous mon habit supposé. Oui, j’ai bien fait de l’aborder. Cependant elle m’a répondu d’une manière désagréable. Je n’aurais peut-être pas dû lui parler si vivement. Il le fallait pourtant bien, puisque son mariage est presque assuré, et que je suis censé devoir supplanter Marinoni, qui me remplace. J’ai eu raison de lui parler vivement. Mais la réponse est désagréable. Aurait-elle un cœur dur et faux ? Il serait bon de sonder adroitement la chose.

(Il sort.)



Scène III.

(Une antichambre.)
FANTASIO, couché sur un tapis.

Quel métier délicieux que celui de bouffon ! J’étais gris, je crois, hier soir, lorsque j’ai pris ce costume et que je me suis présenté au palais ; mais, en vérité, jamais la saine raison ne m’a rien inspiré qui valût cet acte de folie. J’arrive, et me voilà reçu, choyé, enregistré, et ce qu’il y a de mieux encore, oublié. Je vais et viens dans ce palais comme si je l’avais habité toute ma vie. Tout à l’heure j’ai rencontré le roi ; il n’a pas même eu la curiosité de me regarder ; son bouffon étant mort, on lui a dit : « Sire, en voilà un autre. » C’est admirable ! Dieu merci, voilà ma cervelle à l’aise ; je puis faire toutes les balivernes possibles sans qu’on me dise rien pour m’en empêcher ; je suis un des animaux domestiques du roi de Bavière, et si je veux, tant que je garderai ma bosse et ma perruque, on me laissera vivre jusqu’à ma mort entre un épagneul et une pintade. En attendant, mes créanciers peuvent se casser le nez contre ma porte tout à leur aise. Je suis aussi bien en sûreté ici sous cette perruque, que dans les Indes occidentales.

N’est-ce pas la princesse que j’aperçois dans la chambre voisine, à travers cette glace ? Elle rajuste son voile de noces ; deux longues larmes coulent sur ses joues ; en voilà une qui se détache comme une perle, et qui tombe sur sa poitrine. Pauvre petite ! j’ai entendu ce matin sa conversation avec sa gouvernante ; en vérité, c’était par hasard ; j’étais assis sur le gazon, sans autre des-