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cet état présumé de l’éther l’étymologie de son nom[1]. Les anciens philosophes avaient, je pense, été conduits à cette idée par la simple analogie tirée d’un phénomène très ordinaire : savoir, l’inflammation des matières combustibles et l’échauffement des pierres et des métaux par le frottement[2] ; ils en conclurent que l’éther, frotté si violemment par le mouvement rapide de la voûte solide du ciel, devait être une matière en état d’incandescence. Cette théorie, qui fut reçue, et, pour ainsi dire, remise en circulation par les néoplatoniciens, comme on le voit dans Plotin[3], passa de leur école dans les livres des saints Pères, entre autres, de saint Augustin, qui s’en servit pour expliquer l’existence des eaux célestes[4]. Ce grand saint, toutefois, ne se dissimulait pas combien cette disposition était contraire aux plus simples notions du bon sens. Mais comme elle était appuyée par des textes dont le sens littéral lui paraissait le seul admissible, il finit par conclure que, de quelque manière que l’on pût concevoir l’existence d’une couche d’eau sur le firmament, il fallait nécessairement qu’elle y fût : (quoquo modo autem et qualeslibet aquæ ibi sint, esse cas ibi minimè dubitemus) ; car, ajoute-t-il, toute la capacité de l’esprit humain doit céder à l’autorité de l’Écriture (major est quippe Scripturæ auctoritas, quam omnis humani ingenii capacitas[5] ). Ce seul mot explique et excuse tant d’aberrations.


§. III.
De la place occupée par les anges dans le monde physique.

L’idée que les anges occupaient une place intermédiaire entre la terre et le ciel, n’est pas non plus particulière au système de

  1. Mais Aristote faisait venir ce mot de ἀεὶ θειν, toujours courir. Cf. Kapp. ad Tract. de mundo, Exc. ii.
  2. Aristote, de cœlo, ii, 7, p. 460. B. — Cf. S. Justin. Mart. Arist. dogm. evers. § 55, p. 152. — Quæst. et resp. ad Gr. p. 196. D. E.
  3. Enn. iii, c. 3, p. 138.
  4. In Genesin, ii, 5. — Opp. iii, p. 133. E. Part. i.
  5. S. Aug. in Genes. ii, 9. — Opp. iii, p. 135, B. part. i.