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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/659

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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

droit et fixe sans faire le moindre mouvement. Vous concevrez donc quel effet a dû faire sur les Français, entichés de leurs usages de cour, la conduite des princesses qui se sont approchées de nos enfans dans la galerie, se sont laissé baiser la main par eux et les ont baisés au front mille fois à leur tour. Ce qui a paru plus étonnant encore à messieurs les Français, c’est qu’au grand concert qui a lieu au jour de l’an, il n’a pas seulement fallu nous faire place jusqu’à la salle royale, mais que M. Wolfgang a eu l’honneur d’être toujours près de la reine, de parler et de s’entretenir avec elle, de lui baiser les mains et de manger en sa présence les friandises qu’elle prenait sur la table pour lui. La reine parle allemand aussi bien que nous ; mais comme le roi n’en sait pas un mot, elle traduisait au roi tout ce que disait notre héroïque Wolfgang ; j’étais aussi près d’elle, et de l’autre côté du roi, derrière M. le dauphin et Mme Adélaïde, étaient ma femme et ma fille. » Une autre fois il écrit : « Mes occupations rendent mes lettres bien rares. Nous sommes commandés pour tous les jours jusqu’au 10, et sachez que jusqu’à ce jour j’ai 75 louis à mettre en poche. » Il dit encore dans une autre lettre : « Les enfans ont bien travaillé hier, j’ai empoché 112 louis d’or ; mais 50 et 60 ne sont pas à dédaigner. »

À Londres, la vie de Mozart ne changea guère. Il endossa chaque jour son habit et sa veste lilas, passa les nuits à jouer du piano à la cour et chez les grands seigneurs, et le père, au lieu d’empocher des louis, empocha des guinées. Le roi d’Angleterre ne se montra pas moins gracieux pour la famille Mozart que ne l’avait été le roi de France. Il faut encore consulter la correspondance du père à ce sujet. — « Hier soir, à neuf heures, nous avons été menés chez leurs majestés. Le présent n’a été que de 24 guinées, il est vrai, que nous avons reçues dans l’antichambre du roi ; mais la grace des deux hauts personnages a été sans égale. Quelques jours après, nous étions à nous promener dans le parc Saint-James. Le roi a passé en voiture avec la reine, ils nous ont aussitôt reconnus et salués, bien que nous eussions d’autres habits, et le roi a même ouvert la glace pour faire un signe amical à notre maître Wolfgang. » — Au reste, le vieux Mozart se montre reconnaissant envers le ciel de tous les honneurs et de toutes les guinées qui lui arrivent. — « Faites dire, ajoute-t-il, trois messes à la chapelle de