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pas sorti depuis dix ans de la Kasba quand nous avons mis fin à son règne.

Les revenus du dey se composaient principalement des produits de la piraterie, des cadeaux que lui envoyaient les puissances européennes, des impôts qu’il levait sur ses sujets, des droits de douane, du monopole de certaines marchandises, et des tributs que lui payaient les trois beys d’Oran, de Titerie et de Constantine. Les livres de la Régence trouvés dans la Kasba ont fourni pour ce dernier article des chiffres précis qui établissent, d’une manière positive, le revenu de chacune de ces provinces. Le bey d’Oran, par exemple, payait 622,000 fr. ; celui de Constantine, 778,000 fr., y compris les cadeaux faits aux ministres, aux officiers du palais, aux femmes du harem, etc. Chaque bey apportait en personne son tribut, et au retour, pour se couvrir de ses dépenses, mettait sa province au pillage et rançonnait tous ceux qui se trouvaient sur son passage. Toute la population fuyait alors comme devant l’invasion d’un ennemi. M. Rozet attribue, avec raison, à un pareil régime la dépopulation du pays et le peu de confiance que les habitans, sans cesse pillés et opprimés, ont montré jusqu’ici dans nos promesses.

La justice et l’administration, telles qu’elles existent en Turquie, se retrouvaient dans la Régence, mais simplifiées encore et avec cette naïveté de despotisme, qui n’a jamais atteint sa perfection que sur le sol africain. Nous passons à regret sur ce que dit à cet égard M. Rozet, pour arriver à ses moyens de colonisation par lesquels il termine son ouvrage.

Il serait difficile d’énumérer tous les plans de ce genre qu’a fait éclore depuis trois ans l’occupation de la Régence. Chacun a dit son avis, militaires, administrateurs, hommes qui avaient été sur les lieux, faiseurs de projets qui n’avaient pas quitté leurs foyers : tous, sans exception, ont protesté contre la pensée de jamais abandonner notre conquête, et en cela, ils ont été les fidèles interprètes du pays, dont la voix est unanime à cet égard. Pour notre part, nous avons lu attentivement la totalité, ou peu s’en faut, de ces projets, et tout en étant d’accord avec leurs auteurs sur le principe en lui-même, nous ne croyons pas l’exécution tout-à-fait aussi facile que certaines personnes paraissent le croire. Tous les