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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/125

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REVUE. — CHRONIQUE.

et raisonnable, dès qu’elle aurait renoncé à vouloir renverser les ministres, en un mot, quand elle aurait cessé d’être opposition. La loi n’était donc que suspensive, elle reconnaissait implicitement le droit de s’associer, elle se bornait seulement à l’atermoyer, car la nécessité le voulait ainsi. C’était une loi de nécessité et non pas une loi de principes.

M. Berryer, qui vint combattre le ministre, ne nia pas qu’une loi contre les sociétés secrètes ne fût nécessaire : il déclara, avec sa franchise ordinaire, que tout homme qui ne veut pas faire de l’opposition une bataille, n’hésiterait pas à fournir des armes légales au pouvoir contre ces gouvernemens créés en dehors du gouvernement, ainsi qu’il nomme les sociétés populaires ; mais il s’éleva contre les réticences des ministres, qui avaient un but qu’ils n’avouaient pas ; il demanda qu’on mît des limites à l’arbitraire que la loi autorisait, et insista surtout pour que la nature des associations contre lesquelles on allait s’armer fût déterminée à l’avance. Il fallait bien répondre à M. Berryer. M. de Rémusat, homme spirituel et entendu, qui a joué, ainsi que M. Guizot, un rôle bien actif dans la société Aide-toi, le ciel t’aidera, vint le lendemain déclarer à la tribune que le droit d’association n’est pas dans le droit commun. C’est, dit-il, une théorie que quelques écrivains défendent, mais qu’on peut suspendre sans blesser les sympathies nationales. Ainsi, quand M. de Rémusat fondait des comités dans les départemens, pour la société Aide-toi : quand il comptait parmi ses fondateurs et ses membres les plus fervens, quand il violait sciemment la loi, ce n’était pas, comme ses collègues, pour user d’un droit qu’il regardait comme imprescriptible, et que, par conséquent, dans sa conscience, la loi ne pouvait lui enlever, mais pour se livrer à une vaine théorie, pour se passer la fantaisie d’essayer d’une nouvelle doctrine. On conviendra que c’était bien mal commencer son apprentissage de législateur, et que ce début présageait peu de fixité dans les principes de l’homme politique.

Le ministère se trouvait déjà entraîné bien loin de son point de départ par le discours de M. de Rémusat, qui reçoit, comme on sait, ses confidences les plus intimes ; mais l’amendement proposé par M. Bérenger l’obligea de s’avancer encore davantage sur le nouveau terrain où il s’était engagé, et à sortir de plus en plus de l’esprit de légalité qu’il a négligé de recueillir dans l’héritage du 13 mars.

Par son amendement, M. Bérenger voulait d’abord qu’on reconnût en principe le droit de s’associer ; les autres dispositions de l’amendement réglaient seulement cette faculté. Pressé, poussé de la sorte, par un homme doux et modéré, par un député qui vote ordinairement avec le pouvoir, le ministère se décida alors à brûler ses vaisseaux. M. de Bro-