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à ces questions, qui sont ordinairement celles que vous font les registres des maîtres d’auberge : — Votre nom, votre profession, d’où venez-vous, où allez-vous ? — et qui remplacent avantageusement l’exhibition du passeport, en indiquant aux amis qui vous suivent ou que vous suivez, l’époque à laquelle on est passé, et la route qu’on a prise.

Comme il nous était absolument égal d’aller d’un côté ou d’un autre, pourvu que nous vissions quelque chose de nouveau, nous suivîmes la foule ; elle se rendait à la promenade de l’Engi, qui est la plus fréquentée des environs de la ville. Un grand rassemblement était formé devant la porte d’Aarberg ; nous en demandâmes la cause, on nous répondit laconiquement : Les ours. Nous parvînmes en effet jusqu’à un parapet autour duquel étaient appuyés comme sur une galerie de salle de spectacle deux ou trois cents personnes, occupées à regarder les gentillesses de quatre ours monstrueux, séparés par couples, et habitant deux grandes et magnifiques fosses, tenues avec la plus grande propreté et dallées comme des salles à manger.

L’amusement des spectateurs consistait, comme à Paris, à jeter des pommes, des poires et des gâteaux aux habitans de ces deux fosses ; seulement leur plaisir se compliquait d’une combinaison que j’indiquerai à M. le directeur du Jardin des Plantes, et que je l’invite à naturaliser pour la plus grande joie des amateurs.

La première poire que je vis jeter aux Martins bernois, fut avalée par l’un d’eux sans aucune opposition extérieure ; mais il n’en fut pas de même de la seconde. Au moment où, alléché par ce premier succès, il se levait nonchalamment pour aller chercher son dessert à l’endroit où il était tombé, un autre convive, dont je ne pus reconnaître la forme, tant son action fut agile, sortit d’un petit trou pratiqué dans le mur, s’empara de la poire au nez de l’ours stupéfait, et rentra dans son terrier aux grands applaudissemens de la multitude. Une minute après, la tête fine d’un renard montra ses yeux vifs et son museau noir et pointu à l’orifice de sa retraite, attendant l’occasion de faire une nouvelle curée aux dépens du maître du château, dont il avait l’air d’habiter un pavillon.

Cette vue me donna l’envie de renouveler l’expérience, et j’achetai