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des pompes. Le Quebec n’en demeure pas moins côte à côte de la frégate française qu’il ne paraît plus devoir abandonner. À ce spectacle qui lui donne la certitude de l’inutilité de ses efforts, l’équipage de la Surveillante demeure consterné. Français et Anglais suspendent leurs travaux, et attachent leurs yeux, dans une terrible anxiété, sur ce vaisseau dont ils ne peuvent se dégager. Mais Du Couëdic, qui a conservé tout le calme de son esprit, trouve enfin la raison qui empêche les navires de se séparer : c’étaient quelques débris de mâture accrochés à la fois à tous deux ; il les fait couper, et dès-lors la Surveillante put continuer de s’éloigner du Quebec, quoique bien lentement d’abord. Il lui fallut plus d’une heure pour parcourir un espace de moins de quarante toises.

Entouré d’une épaisse fumée, le Quebec flottait alors au gré du vent et des flots. Des grenades, des artifices éclatant çà et là sur le pont, retombaient ensuite comme une pluie enflammée ; de temps en temps partaient encore quelques armes chargées ; le combat semblait continuer. À travers les sabords, la flamme promenait sur les flancs du navire ses langues ardentes et destructives ; elle s’élançait encore par les écoutilles, en jets larges, rougeâtres, étincelant d’un sinistre éclat. Sur le pont, les blessés se laissaient aller à de douloureuses lamentations, à de terribles imprécations. Les uns, se suspendant aux manœuvres, aux flancs du navire, évitaient le feu quelques instans, mais c’était pour s’aller incessamment engloutir dans les flots ; d’autres, s’étant immédiatement jetés à la nage, essayaient de gagner la Surveillante, mais la fatigue et la faiblesse les retenaient dans le voisinage du Quebec, On en voyait encore qui, réfugiés sur des planches arrachées au navire, étaient le jouet des vagues et du vent. Le pétillement de la flamme, les craquemens des bordages, les bouillonnemens de l’eau en lutte avec le feu dans les flancs entr’ouverts du Quebec, tout cela se confondait en un bruit terrible. Tout à coup un sifflement plus étrange encore domine tout ce bruit : le Quebec est abattu sur le côté ; un jet de feu, plus large, plus ardent, plus étincelant que tous les autres, se fait jour à travers le pont qu’il brise. La frégate brille un seul instant au milieu d’une sombre obscurité, et bientôt elle est enlevée toute entière, brisée, dispersée ; elle a disparu au milieu d’une effroyable explosion. De tout le navire on n’aper-