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c’est un sarcophage grec très simple et très beau, exécuté sur ses dessins.

Un autre groupe du Christ au linceul, peint à l’huile, décore le maître-autel. Canova, le plus modeste des sculpteurs, avait la prétention d’être peintre. Il a passé plusieurs années à retoucher ce tableau, fils heureusement unique de sa vieillesse, que, par affection pour ses vertus et par respect pour sa gloire, ses héritiers devraient conserver précieusement chez eux et cacher à tous les regards.
............................. .....Je suivis la route d’Asolo le long d’une rampe de collines couvertes de figuiers ; j’embrassai ce riche aspect de la Lombardie pendant plusieurs lieues, sans être fatigué de son immensité, grâce à la variété des premiers plans, qui descendent par gradins de monticules et de ravines jusqu’à la surface unie de la plaine. Des ruisseaux de cristal circulent et bondissent parmi ces gorges dont les contours sont hardis sans âpreté, et dont le mouvement change à chaque détour du chemin. C’est le sol le plus riche en fruits délicieux et le climat le plus sain de l’Italie. À Asolo, village assis comme Possagno sur le flanc des Alpes, à l’entrée d’un vallon non moins beau, je trouvai un montagnard qui partait pour Trévise, assis majestueusement sur un char traîné par quatre ânesses. Je le priai, moyennant une modeste rétribution, de me faire un peu de place parmi les chevreaux qu’il transportait au marché, et j’arrivai à Trévise le lendemain matin, après avoir dormi fraternellement avec les innocentes bêtes qui devaient tomber le lendemain sous le couteau du boucher. Cette pensée m’inspira pour leur maître une horreur invincible, et je n’échangeai pas une parole avec lui durant tout le chemin.

Je dormis deux heures à Trévise avec un peu de rhume et de fièvre ; à midi je trouvai un voiturin qui partait pour Mestre et qui me prit en lapin. Je trouvai la gondole de Catullo à l’entrée du canal. Le docteur, assis sur la poupe, échangeait des facéties vénitiennes avec cette perle des gondoliers. Il y avait sur la figure de notre ami un rayonnement inusité. Qu’est-ce donc ? lui dis-je, avez-vous fait un héritage ? êtes-vous nommé médecin de votre oncle ?

Il prit une attitude mystérieuse et me fit signe de m’asseoir près