Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/627

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
621
REVUE. — CHRONIQUE.

Badon, intitulée : Une Aventure sous Charles ix. La scène se passe au siége de la Rochelle, au moment du départ de Henri iii pour la Pologne. C’est une petite historiette qui semble empruntée à la reine Marguerite ou à Brantôme, mais qui est exposée avec beaucoup de décence et d’esprit. Le succès n’a pas été grand, sans doute parce que l’intérêt et la gaîté que les auteurs ont voulu provoquer à la fois, se nuisent l’un à l’autre. Mlle Mars remplissait le rôle principal, qui a été médiocrement joué par elle. On attend toujours avec impatience, dans un nouveau rôle, Mme Dorval dont le beau talent ne se montre encore que dans Une Liaison, et que des règlemens absurdes, soutenus avec opiniâtreté par la personne intéressée, empêchent de paraître dans tous les rôles de drames qui ont été joués par Mlle Mars. Clotilde et Édouard en ÉcosseMme Dorval eût certainement obtenu un grand succès, lui sont aussi interdits, bien que Mlle Mars ait cessé de jouer ces ouvrages. Les règlemens de la Comédie Française, qui ont fermé pendant vingt ans l’accès de ce théâtre à tous les vrais talens, les y condamnent aux plus injustes humiliations.

L’ouverture de l’Opéra-Comique a également eu lieu cette semaine. La salle a paru d’une élégance remarquable, richement peinte et richement dorée. Les dessins de M. Chenavart ont été adoptés en partie pour cette décoration, exécutée par MM. Léon Feuchères et Desplechins, et ce qu’on en a exécuté donne à peine une idée de l’effet qu’eût produit le projet rendu dans tout son ensemble. Lestocq, opéra de MM. Scribe et Auber, ramènera à l’Opéra-Comique tous les anciens habitués de ce théâtre, et toute la nombreuse partie du public qui aime la musique facile. Le poème offre quelques jolis détails, comme il s’en trouve tant dans les ouvrages de M. Scribe ; mais il rappelle trop souvent Bertrand et Raton, et quelques autres ouvrages du même auteur. On a trouvé aussi dans la musique de M. Auber beaucoup de réminiscences de Gustave, et de ses autres opéras. Le succès a été néanmoins fort grand, et il l’eût été davantage, si, avec les décors des loges et du théâtre, il eût été possible de renouveler la vieille troupe usée de l’Opéra-Comique.

M. Henri Heine va publier lui-même la traduction de ses Tableaux de voyages, dont nous avons donné autrefois quelques fragmens, entre autres les Bains de Lucques et le tambour Legrand. Cet ouvrage, plein d’intérêt, d’esprit mordant et de verve, comme tous les écrits de M. Heine, sera précédé d’une préface, dont nous nous empressons de citer quelques fragmens. Sa forme vive et piquante est parfaitement en harmonie avec l’originalité du livre qu’elle précède.

« Ce sera, dit M. Heine, toujours une question difficile à résoudre, que celle de savoir comment on doit traduire en français un écrivain