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parmi lesquels on peut surtout citer celui de Saint-Mathurin, à Moncontour, et celui de Notre-Dame-de-Bon-Secours à Guingamp. La puissance de saint Mathurin est sans égale aux yeux des Trégorrois. Interrogez-les, ils vous diront sérieusement que si ce saint l’avait voulu, il eût été le bon Dieu. Le jour de sa fête, un concours immense de paysans se dirige vers Moncontour. Ils y conduisent leurs bœufs pour leur faire embrasser la relique du saint, enchâssée dans un buste d’argent. Chaque fidèle, avant de se retirer, allume un cierge qu’il dépose dans le sanctuaire ; et c’est un bizarre coup-d’œil que celui de cette foule d’hommes, de femmes, d’enfans, d’animaux, se pressant autour de l’autel, au milieu d’une forêt de bougies étincelantes, tandis que la voix rauque d’un marguillier répète d’intervalles en intervalles : Allumez les cierges, allumez les cierges ! — Cela ressemble moins à une cérémonie religieuse qu’à une adjudication du paradis, faite par commissaire priseur, à éteinte de bougie.

Quant au pardon de Notre-Dame-de-Bon-Secours, à Guingamp, il offre un aspect tout différent. La principale procession a lieu la nuit. On voit alors les longues files des pélerins s’avancer au milieu des ténèbres comme un lugubre cortége de fantômes. Chacun des pénitens tient à la main droite un chapelet, à la gauche un cierge allumé, et tous ces visages pâles, à moitié voilés de leurs longs cheveux, ou de leurs coiffes blanches, qui pendent des deux côtés comme un suaire, passent lentement en psalmodiant une prière latine. Bientôt une voix s’élève au-dessus des autres : c’est le conducteur des pélerins qui chante le cantique de madame Marie-de-Bon-Secours[1].

« J’ai été pélerin, dit-il, dans tous les coins du pays. Je suis allé à Tréguier et à Léon, à Vannes et à Carrhaix ; il n’y a aucun lieu dans la basse contrée, aucun lieu consacré à la Vierge qui soit autant fréquenté par les pélerins que celui de madame Marie-de-Bon-Secours, à Guingamp, — madame Marie, qui est la plus belle étoile du firmament !

  1. Cantic en enor d’an itron varia a vouir-sicour Deus ar guaer a voeugamp. — E Montroulez eus a imprimeri Ledau. Nous ne donnons ici la traduction que d’une partie du cantique qui n’a pas moins de dix-huit couplets.