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par des presbytériens de race écossaise, plus industrieux et plus actifs que les gens du midi. Envahis par les principes français, ils désiraient la réforme et manifestaient le dégoût que leur inspirait la corruption du parlement. Le parti catholique, écrasé depuis un siècle par le triomphe du parti protestant, releva la tête. Ennemis depuis long-temps de la propriété, les paysans attendirent avec impatience le moment et l’occasion d’agir d’une manière plus vigoureuse, plus décisive, plus sanglante.

Tels étaient les fermens de discorde qui préparèrent la rébellion de 1798 ; année sur laquelle le partisan des droits populaires et celui du gouvernement anglais doivent jeter un regard d’égale douleur et de profond regret. La barbarie du châtiment, l’inexorable férocité de la vengeance, surpassèrent encore l’atroce férocité de la populace. Ce fut une explosion véhémente, mais de courte durée. Le gouvernement vainqueur acquit une force nouvelle, et Pitt opéra sa grande mesure de l’Union : mesure qui s’accomplit malgré la répugnance et la réprobation de l’un des deux peuples enchaînés par cette alliance. Cette réprobation fut si générale, qu’on peut la nommer universelle. Depuis le noble dans son palais, jusqu’au paysan dans sa cabane, tous s’élevèrent à la fois contre cette mesure ; un grand cri unanime, le cri de l’indignation, le cri de l’indépendance mourante, jaillit de tous les coins du royaume, et protesta contre l’Union. Les rebelles vaincus murmuraient en secret ; la milice et la noblesse protestante, qui avaient concouru à subjuguer leurs concitoyens, se récriaient avec plus de force encore, et demandaient si la destruction de leurs privilèges les plus chers serait la récompense de leur valeur et de leur loyauté. Mais le parlement irlandais était corrompu, et ce fut à beaux deniers comptans, selon toute la force du terme, que son assentiment fut acheté. On a publié et les noms de ceux qui se sont vendus, et la quotité des sommes qu’ils ont exigées ; telle était l’effronterie du vice, qu’au lieu de s’envelopper d’une triple obscurité, il fit de sa honte une affaire publique et sans voile. Les propriétaires de bourgs comptèrent devant leurs amis les schellings et les guinées équivalens à l’achat de leurs droits ; de nombreuses pairies, jetées dans la balance, la firent pencher en faveur du gouvernement. C’était un marché de corruption publique : on trafiquait des votes et des places, même dans