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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

l’intervalle qui sépara l’introduction de cette mesure de son accomplissement. Cependant une chambre des communes si complaisante, une chambre des pairs si soumise, ne donnèrent au gouvernement que la majorité pure et simple, en faveur de l’acte qui les anéantissait. Le parlement irlandais, théâtre de tant de corruptions et de débats animés, où l’on avait déployé tant d’éloquence et de talent, fut réduit des deux tiers ; le dernier tiers alla se confondre avec le parlement anglais, joindre ses votes à ceux des représentans d’un pays voisin. Le magnifique palais de College-Green, où il avait tenu ses séances, fut consacré aux opérations de la banque, et les bourgs nombreux dont les élections l’avaient peuplé ne furent plus désormais que des villages sans nom.

À moins d’une grande partialité pour l’Angleterre, les Anglais eux-mêmes sont forcés de convenir que jamais mesure politique ne fut accomplie par des moyens plus condamnables que celle-ci. Fox les traita d’odieux et de criminels. Nécessaire peut-être à l’intégrité de l’empire, cette mesure irrita au lieu de calmer l’animosité et l’aigreur qui régnaient en Irlande. La masse du peuple irlandais devint l’ennemie jurée de l’aristocratie anglaise. Au sentiment de la dégradation nationale, à la rage excitée par le souvenir de cette vente publique et ignominieuse de la patrie livrée par ses hommes d’état moyennant quelques schellings, se joignit un autre motif de mécontentement amer. On avait promis aux catholiques de les réintégrer dans leurs droits. Cet appât leur avait été offert comme un motif de soumission et de condescendance. Déjà les féroces châtimens du code pénal avaient été adoucis en leur faveur, déjà la franchise électorale leur avait été rendue par le parlement irlandais ; ils réclamaient maintenant le droit de siéger comme députés et comme pairs.

Alors se dessina nettement la grande division des partis en Irlande : la masse protestante s’attacha exclusivement à la domination anglaise ; la masse catholique lui fut décidément hostile. Chacune des factions politiques s’incorpora intimement à la faction religieuse : ce qui n’était pas arrivé avant 1800. La lutte se déclara entre les anglicans, partisans du pouvoir, et les catholiques, enthousiastes de liberté ; entre les élus et les parias ; entre le petit nombre et le grand nombre ; entre ceux qui possédaient et ceux