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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/706

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dans une bataille rangée où quinze cents de leurs Indiens restèrent sur le carreau, les Sept Missions continuèrent de faire partie du territoire espagnol. Quelques années plus tard, en 1767, eut lieu leur expulsion, et avec elle commença le dépérissement des Missions qui furent confiées aux mains d’autres ordres religieux. L’esprit créateur et vivifiant s’était retiré. Ceci est un fait dont sont convenus les plus violens ennemis des jésuites. Dix ans après, le nombre des Indiens avait diminué de plus de moitié et continua de s’affaiblir sans cesse. Les choses restèrent dans cet état jusqu’au commencement de ce siècle, que la guerre ayant éclaté en Europe entre l’Espagne et le Portugal, les Brésiliens de la province de Rio-Grande envahirent les Sept Missions et s’en emparèrent. Aujourd’hui elles font encore partie du Brésil.

La révolution et les troubles qui l’ont suivie, et qui ne sont pas encore terminés, ont achevé de porter le coup de mort à celles qui font partie du territoire espagnol, c’est-à-dire qui sont situées entre le Parana et l’Uruguay. Arrachés à leurs travaux et à leurs habitudes paisibles, transformés en soldats ou plutôt en brigands par le fameux Artigas, poursuivis ensuite et impitoyablement massacrés, tantôt par les Portugais, tantôt par les troupes du docteur Francia, les malheureux Guaranis ont été presque entièrement anéantis. Les vingt villages dont j’ai parlé, brûlés, détruits de fond en comble, n’offrent plus que des pans de murailles, des débris de temples et des monceaux de décombres parmi lesquels se sont élevés des bois d’orangers et autres arbres fruitiers qui ont envahi les places, les rues, et jusqu’à l’intérieur des édifices qui sont devenus le repaire des jaguars et des reptiles. Le petit nombre de familles indiennes échappées à cette destruction lamentable ont été transportées violemment sur le territoire brésilien, ou errent aujourd’hui dispersées, déplorant la perte du beau pays qu’elles cultivaient, et toujours prêtes à se réunir pour retourner sur les lieux qui les ont vues naître, et relever les restes chancelans de leurs temples et de leurs habitations. Nulle part, en un mot, l’homme ne s’est acharné avec plus de fureur sur les œuvres de la nature et de la civilisation.

Les Sept Missions, quoique ayant aussi beaucoup souffert et perdu la plus grande partie de leur population, offraient cependant encore l’ombre de ce qu’elles avaient été jadis, lorsque l’heure fatale sonna aussi pour elles ! Les Indiens détestaient le joug des Brésiliens, et ce fut l’espoir de l’échanger contre un sort meilleur qui les perdit. En 1828, pendant la troisième année de cette lutte que soutinrent Buenos-Ayres et Montevideo contre le Brésil, l’armée patriote se trouvait dans la partie orientale de la province de Rio-Grande. Une diversion dans la partie opposée fut jugée