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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/11

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UN VAISSEAU À LA VOILE.

Avant la génération où se rencontra le premier navigateur, bien des générations humaines durent probablement passer sur la terre. L’homme qui, le premier, se hasarda loin du rivage, au sein de la vaste mer, sur un frêle esquif, devait posséder une de ces ames fermes, un de ces cœurs haut placés qui ne se peuvent rencontrer fréquemment dans la foule. L’impression que nous éprouvons à la vue de l’Océan est en effet solennelle, religieuse, mêlée d’une sorte de vague terreur. À l’aspect de cette immensité sans limites, image et reflet de l’infini, nous nous sentons comme accablés de la conscience de notre petitesse et de notre infirmité.

Aux époques primitives du monde, l’homme ne donnait d’ailleurs encore aucune prise aux nombreux aiguillons qui plus tard le précipitèrent et l’excitèrent au sein de cette orageuse carrière.

La terre, dont six mille ans n’ont point encore épuisé la fécondité, naguère vierge encore, fournissait abondamment à tous les besoins de ses nouveaux habitans ; elle semblait se plaire à épancher presque sans culture tous les trésors de son sein. Le spectacle qu’elle étalait aux yeux de l’homme, nouveau pour lui, suffisait à ces instincts de curiosité, à ces désirs de l’inconnu, l’un des plus nobles instincts de sa nature. La science, dédaigneuse d’expérience et de voyages, s’enfermait dans la sainte solitude des temples ; on ne la voyait point aller çà et là, s’efforçant de peser, de mesurer, de décrire la terre, qu’elle ne foulait aux pieds qu’avec une sorte de dédain. Le mystère de la nature et de la destinée de l’homme, elle le demandait aux échos encore retentissans de la grande parole de la révélation primitive. Avant de s’attacher à la poussière où il venait d’être condamné à ramper pour tant de siècles, l’homme devait en appeler ainsi pendant long-temps de la terre au ciel, de la nature extérieure à un monde d’amour et d’intelligence, d’où peut-être il arrivait, dont il lui restait peut-être quelques vagues souvenirs.

Des multitudes d’hommes possédés de l’inspiration des combats ne tardent pas à se mouvoir en tous sens. On entend comme un grand bruit de chevaux, de chariots, de machines de guerre. Du sein des époques, pour ainsi dire, cosmogoniques, les héros primitifs de l’Inde nous apparaissent à la tête de leurs innombrables armées. À l’aurore des temps historiques, d’autres héros, d’autres conquérans, non moins merveilleux, se montrent encore, roulant