nés à ce nouveau spectacle, nous attache et nous intéresse par sa nudité même.
C’est une révélation franche et hardie, dédaigneuse des réticences, pleine de mépris pour la périphrase, préférant le mot vrai aux images les plus élégantes ; c’est une causerie domestique.
Dans les Consolations, l’élément humain s’est complètement dégagé des questions de rhythme, de césure et de rime. L’artiste est sûr de l’instrument qu’il manie ; il choisit volontiers les plus simples mélodies. Il ne paraît guère songer qu’à lui-même. Ce qu’il dit, ce n’est pas pour plaire, car s’il voulait plaire, il le dirait autrement. Il connaît tous les manèges de la coquetterie poétique. Il s’est rompu de bonne heure aux ruses les plus difficiles de l’expression. S’il procède avec une austérité continue, c’est qu’il a subi depuis un an une métamorphose irrésistible ; c’est que, livré à lui-même, loin du monde qu’il a toujours mal connu, en société de ses livres chéris qu’il devait bientôt épuiser, las de mordre au fruit de la science, il est monté jusqu’à Dieu pour lui demander compte de sa misère et de son impuissance ; c’est qu’il s’est réfugié dans les mystiques entretiens pour échapper au doute qui le rongeait.
Si j’insiste délibérément sur le caractère religieux des Consolations, c’est que ce livre contient le germe entier de Volupté ; c’est qu’on y voit déjà le cœur se débattre sous les sens, et se révolter contre l’avilissement du plaisir.
Envisagées poétiquement, les Consolations, malgré l’empreinte personnelle qui les distingue en ce temps d’imitation et de prosélytisme, sont unies à l’école des lacs et en particulier à Wordsworth par une étroite parenté. Sainte-Beuve, comme le poète anglais, ennoblit par la pensée qu’il y mêle, plutôt que par l’expression dont il les décore, les sujets les plus vulgaires, les accidens les plus indifférens de la vie quotidienne.
Je sais qu’on a reproché aux Consolations de ressembler trop directement à la prose. Je sais qu’à de certains esprits habitués dès long-temps à la pompe de l’alexandrin ces confidences familières ont paru presque triviales. Mais ceci, je crois, est plutôt l’effet de la surprise que le symptôme d’un réel mécontentement. Le même dédain pourrait se manifester en présence d’un Hobbema, chez un homme qui n’aurait vu jusque-là que des Claude Lorrain.