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REVUE. — CHRONIQUE.

sel, dont ne voulaient ni le roi ni les ministres, et le duc de Bassano, qui, au dire même de son seul soutien, le maréchal Soult, est d’un âge trop avancé pour soutenir un pareil poids. La seule raison que donnait le maréchal pour motiver sa préférence pour le duc de Bassano, c’est, disait-il en propres termes, qu’il voulait déposer une couronne sur une tombe, raison un peu poétique, on en conviendra, pour un homme aussi positif que l’est M. le maréchal Soult. Au reste, le maréchal voulait, avant tout, un gouvernement militaire à Alger. Dans un pays où la présidence du conseil est soumise à un maréchal, il est tout naturel, disait-il, de confier les grands emplois à des officiers. Qui eût osé contredire le maréchal ? Tout le système actuel ne tend-il pas au despotisme militaire ?

M. Decazes était surtout un épouvantail pour le maréchal Soult. Pourquoi ? Nous ne saurions le dire ; mais le président du conseil alléguait, entre autres raisons, que M. Decazes ayant fait arrêter quelques généraux en 1815, pas un général ne voudrait servir sous ses ordres. À quoi M. Thiers répondit fort à propos, que de toutes les arrestations de cette époque, la plus scandaleuse avait été certainement celle du général Excelmans, et que si c’était là un motif pour les généraux de ne pas obéir aux auteurs de pareils actes, le maréchal Soult, qui l’avait ordonnée, trouverait de grands obstacles au ministère de la guerre. Le maréchal ne se tint pas pour battu. Il s’écria avec humeur que M. Decazes n’avait pas seulement fait arrêter des généraux, mais qu’il en avait exilé. À quoi un autre ministre répondit que les listes d’exil avaient été signées, non par M. Decazes, mais par MM. Pasquier, Jaucourt et Louis ; que M. Decazes ne s’était mêlé de ces affaires d’exil qu’une seule fois, et que ce fut pour rappeler le maréchal Soult, contre l’avis du duc de Richelieu, alors à Aix-la-Chapelle, qui se plaignit vivement de cette amnistie. La discussion se prolongea long-temps sur ce ton, et devint si vive et si personnelle, qu’il sembla qu’on allait en venir aux voies de fait. Le maréchal, repoussé sur tous les points, à son grand désavantage, et se sentant tout meurtri de cette discussion, finit par déclarer qu’il ne confierait jamais un poste aussi important que celui d’Alger à un homme de la restauration ; mais les plus jeunes collègues du vieux maréchal ne le laissèrent pas même respirer dans ce dernier retranchement. Ils le prièrent de se rappeler que la révolution de juillet avait divisé la restauration en deux catégories, l’une comprenant le règne de Louis xviii, et l’autre celui de Charles x ; et que, pour mieux les établir, la Charte de 1830 avait reconnu les pairs créés sous le premier de ces règnes, tandis qu’elle avait expulsé ceux qui avaient été nommés sous le second, à l’exception d’un seul qui avait su rentrer dans la chambre, à l’exception du maréchal Soult, à qui l’affaire de la souscription de Quiberon, des