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corresondance d’orient, par mm. michaud et poujoulat.


À moins qu’il ne soit un de ces érudits qui, commissionnés ou non par les gouvernemens, s’en vont courir le monde comme géographes, antiquaires ou naturalistes, et au retour ne nous doivent pas moins qu’une histoire grave et méthodique de leurs recherches, un voyageur, s’il veut se borner à nous conter ses impressions, ne saurait, je crois, les traduire plus fidèlement que par les lettres écrites à ses amis, des lieux même qu’il a vus.

C’est le parti qu’ont pris MM. Michaud et Poujoulat pour nous conduire avec eux en Orient, et ils nous en ont ainsi rendu le pélerinage facile et plein d’attrait.

Dans les trois premiers volumes de leur Correspondance, sur leurs pas, nous avions visité déjà la Grèce et les ruines de Troie, puis des rives de l’Hellespont nous les avions suivis à Constantinople, où ils nous avaient fait séjourner avec eux, sans que nous nous fussions plaints de la longueur de cette halte ; voici maintenant que leur quatrième volume nous remet en chemin et nous emmène à Jérusalem.

Ayant encore une fois traversé l’Archipel, nous descendons d’abord à Rhodes. Arrêtons-nous un instant avec nos voyageurs chez le bey de l’île qu’ils vont visiter ; nous y assisterons à une petite scène fort plaisante. Son Excellence s’était fait servir à déjeuner et mangeait un pilaw et des œufs sur le plat, portant tour à tour ses grosses mains sur l’un et l’autre mets, et se tournant de temps à autre vers M. Michaud pour lui dire en italien : A la turca ! à la turca ! Puis, comme tous les agens de la Porte avaient reçu l’ordre d’accueillir les Francs de leur mieux, après son déjeuner le bey crut devoir mettre la conversation sur la situation de l’Europe. Il parla de la révolution française, et s’imaginant nous être fort agréable, observe M. Michaud, il nous répéta plusieurs fois en italien : — Constituzione bona, bona constituzione ! — Cet honnête bey avait trouvé là vraiment un singulier moyen d’être agréable à l’auteur de l’Histoire des Croisades et au fondateur de la Quotidienne.

Nous voudrions continuer la route jusqu’à Jérusalem en la compagnie de MM. Michaud et Poujoulat, et les accompagner en toutes leurs étapes, tant leur commerce est aimable et distingué, tant leur causerie a de charme et d’intérêt ; mais il nous faudrait alors les laisser parler eux-mêmes plus souvent que ne le permettent les bornes étroites dans lesquelles ce court aperçu de leur livre est tenu de se circonscrire.

Ce qui manque peut-être aux récits d’ailleurs toujours amusans et spirituels de nos voyageurs, c’est, selon nous, un peu de foi vive. Certes, je