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DES LÉGISLATIONS COMPARÉES.

mais cette unité ne peut encore se montrer aux hommes : elle les foudroierait par son apparition, et sa manifestation la plus élevée sera le dualisme.

Trois époques distinguent l’égyptianisme : l’époque divine, l’époque sacerdotale, l’époque politique.

Les dieux ont régné d’abord : Isis et Osiris, couple divin, établissent l’empire d’une nature bienfaisante et cultivée. Mais des obstacles ne tardèrent pas à se produire, et Typhon, principe du mal, lutta contre Osiris. Ces obstacles de la nature un peu aplanis, les déchiremens de la société commencèrent. Busiris immola Hercule, Busiris, nom qu’il était défendu de nommer (Illaudatus)[1], époque obscure et cruelle des commencemens d’une théocratie qui veut s’enfermer chez elle, sacrifie les étrangers, garde les côtes de la mer, et verse du sang pour féconder ses racines. Cependant des jours plus doux commencèrent à luire, et voici venir Hermès, le trois fois grand Hermès, dieu des idées et de la civilisation, dieu de l’écriture et de la pensée, de l’intelligence et de la société gouvernée par elle, de l’humanité mise sous l’œil de la raison divine.

Après les hommes-dieux, vinrent les prêtres-rois. Menès fonda Thèbes, inaugurant, par ces magnificences de pierre et d’airain, l’époque sacerdotale. On dit qu’après lui régnèrent trois cent vingt-neuf rois dont on ne sait pas les noms, serviteurs inconnus de la théocratie, prêtres obscurs et couronnés, esclaves déifiés présentés à l’adoration des peuples. Les prêtres règnent, car ils font les rois : ils les choisissent parmi eux ou parmi les guerriers ; mais le guerrier choisi devient prêtre sur-le-champ, car, s’il n’était pas prêtre, comment pourrait-il être roi ? La vie de ces rois n’était pas commode, et ils ne disposaient pas de leur temps à leur convenance et à leur guise ; l’heure de leurs audiences était marquée ; ils écoutaient tous les jours la lecture des livres sacrés ; certains momens étaient destinés au bain, à leurs relations avec la reine ; ils ne pouvaient se nourrir que de la chair du veau et du canard, et le vin leur était sévèrement mesuré. Le roi n’était jamais seul ; il

  1. Voyez Virgile et Macrobe.