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conviction laisse toujours percer. M. de Laboulie s’est posé à Marseille comme le représentant de la réforme électorale. Cette profession de foi est large, facile ; elle ne peut compromettre personne.

M. de Lamartine n’ira pas si loin. L’Europe connaît ce beau talent poétique, et peut-être l’observation que j’ai faite sur l’incompatibilité de l’avocat et de l’homme politique s’applique-t-elle avec une égale justesse à l’incompatibilité du poète et de l’orateur homme d’état. Le début de M. de Lamartine l’a bien prouvé. Son projet sur l’Orient a été l’objet de quelques moqueries dans ce monde d’affaires, en Autriche, en Russie, dont la Gazette d’Augsbourg est le représentant. Depuis, M. de Lamartine s’est mieux posé ; l’avenir du parti royaliste sage, intelligent, lui appartient ; de la patience, et l’on reconnaîtra que le rôle conservateur est le seul qui puisse se créer une opinion qui veut rester monarchique. Il faudra que M. de Lamartine se pénètre profondément de ce rôle ; qu’il sache subir les sarcasmes, réduire sa politique à des proportions positives, à des appréciations de faits et d’actes. Plus tard on viendra à lui. Ses amis qui ont mis quatre ans pour apprendre qu’une représentation dans une chambre est une force, apprendront encore qu’un rapprochement avec le pouvoir n’est point une trahison, et qu’on peut saisir un portefeuille avec espérance d’être utile à son parti.

Cette vérité sera, je crois, mieux sentie par ceux des légitimistes qui déjà ont exercé des fonctions publiques ou administratives. Vous vous rappelez sans doute le nom de M. Blin de Bourdon, l’ancien préfet du Pas-de-Calais. C’est un vieux député que la chambre retrouve, ami de M. de Villèle et de M. de Corbière, sachant tous les secrets d’administration et de fraudes électorales, et qui pourrait fort bien s’entendre avec M. Thiers, sinon dans les opinions, au moins dans les moyens. Je ne conseillerai pas au parti légitimiste d’aller ainsi prendre toute la responsabilité des souvenirs de M. de Villèle. S’il veut se présenter avec quelque chance de popularité, il doit se faire parti neuf, et désavouer un passé, mauvaise garantie de l’avenir. Que dirai-je de M. Jacquinot Pampelune ? Je crois à l’ex-procureur-général, au successeur de M. Bellard, au précurseur de M. Persil, une raison assez droite pour ne pas trop se montrer le défenseur de la réforme électorale et des libertés populaires. Je ne dis pas que le régime actuel soit meilleur, qu’il ne doive pas être attaqué : je soutiens seulement qu’il ne peut pas l’être, qu’il ne doit pas l’être par de tels noms. Que dirait-on en Angleterre si lord Eldon avec sa large perruque s’était levé contre M. Brougham au nom des intérêts populaires ? Il n’y aurait pas assez de sarcasmes dans le parlement.

Les royalistes se rattachent MM. Janvier et Sauzet, parce que, disent-