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regardait comme le beau idéal de la discipline, était un intolérable et dangereux despotisme. Les pièces étaient si abondantes, si concluantes, qu’il fallut bien se rendre. La reconnaissance a peu de cours en certains lieux, comme on sait. Dès qu’on vit que le maréchal n’était pas indispensable, dès qu’on se fut assuré qu’on pouvait dormir et régner sans lui, il fut sacrifié. On n’attendit plus que l’occasion, et l’occasion ne se fit pas attendre.

Quelques journaux ont donné une explication très nette et très exacte de la conduite du maréchal Soult dans l’affaire d’Alger. Il est très vrai que le maréchal Soult songeait uniquement à placer à la tête du gouvernement d’Alger, en qualité de gouverneur civil, son fils, le marquis de Dalmatie, et qu’il ne cherchait qu’à créer des obstacles aux autres candidats, lorsqu’il appuyait le maréchal Molitor, dont le roi combattait secrètement la nomination, ce que le maréchal Soult savait mieux que personne. Ce n’est qu’un peu tard, et après la retraite du maréchal Soult, que cette découverte fut faite au ministère qui en a tressailli de joie. On nous assure que c’est un des anciens collègues du maréchal, qui a dicté lui-même à un écrivain de l’opposition la note qui a paru dans plusieurs journaux à ce sujet, note où l’on s’attache surtout à prouver que le maréchal Soult était bien loin d’avoir à cœur les intérêts de l’armée, comme le supposaient quelques belles ames. Les intérêts qui ont occupé constamment, exclusivement le maréchal Soult, ce sont les siens propres ; sa vie est une suite de dévoûmens à cette sainte cause, la seule qu’il n’ait jamais trahie et qu’il ne trahira jamais.

On continuera donc de menacer le pays par le moyen de l’armée, comme on faisait du temps du maréchal Soult, mais pour l’armée on se relâchera un peu de la rigueur avec laquelle on la tenait en bride. Le choix du maréchal Gérard est fort bien approprié à ce système. D’un naturel conciliateur et bienveillant, le maréchal Gérard volera toujours, dans les limites de la justice, pour les mesures de douceur et d’accommodement, et en même temps, on compte sur la faiblesse de son caractère, pour l’entraîner malgré lui, quand on sera décidé à porter de rudes coups.

Ces deux traits de caractère que nous signalons, ont déjà eu l’occasion d’éclater dans le peu de jours que le maréchal Gérard a passés au ministère depuis la retraite du maréchal Soult. D’abord, dans la première circulaire du ministre de la guerre où le maréchal Gérard tient un peu le langage du maréchal Soult, ou pour mieux dire de M. Persil, lettre peureuse, hargneuse, hostile contre la nation, peu digne de celui qui l’a signée, et qui lui a été évidemment arrachée par les hommes qui se sont déjà mis en train d’exploiter le laisser-aller de son esprit. En revanche, le beau côté du nouveau ministre s’est montré