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nous rendre responsables de cette mort ! Nous espérons en vous pour nous réconcilier avec Dieu.

— Quant à la justice, dit le prêtre, vous n’avez rien à en craindre. Votre ami, n’ayant fait que prêter son épée, n’est point légalement complice.

— Oui, mon père, mais le meurtrier a pris la fuite. On examinera la blessure, on trouvera peut-être l’épée ensanglantée… que sais-je ? Les gens de lois sont terribles, dit-on.

— Mais, dit le prêtre, vous étiez témoin que l’épée a été empruntée ?

— Certainement, dit don Garcia. Je l’affirmerai devant toutes les cours du royaume. D’ailleurs, poursuivit-il du ton le plus insinuant, vous, mon père, vous seriez là pour rendre témoignage de la vérité. Nous nous sommes présentés à vous long-temps avant que l’affaire fût connue, pour vous demander vos conseils spirituels. Vous pourriez même attester l’échange… En voici la preuve. — Il prit alors l’épée de don Juan. — Voyez plutôt cette épée, dit-il, quelle figure elle fait dans ce fourreau !

Le prêtre inclina la tête comme un homme convaincu de la vérité de l’histoire qu’on lui racontait. Il soupesait sans parler les ducats qu’il avait dans la main, et il y trouvait toujours un argument sans réplique en faveur des deux jeunes gens.

— Au surplus, mon père, dit don Garcia d’un ton fort dévot, que nous importe la justice ? c’est avec le ciel que nous voulons être réconciliés.

— À demain, mes enfans, dit le prêtre en se retirant.

— À demain, répondit don Garcia ; nous vous baisons les mains, et nous comptons sur vous.

Le prêtre partit ; don Garcia fit un saut de joie. Vive la simonie ! s’écria-t-il, nous voilà dans une meilleure position, je l’espère. Si la justice s’inquiète de vous, ce bon père, pour les ducats qu’il a reçus et ceux qu’il espère tirer de nous, est prêt à attester que nous sommes aussi étrangers à la mort du cavalier que vous venez d’expédier, que l’enfant qui vient de naître. Rentrez chez vous maintenant, soyez toujours sur le qui-vive, et n’ouvrez votre porte qu’à bonnes enseignes ; moi, je vais courir la ville et savoir un peu les nouvelles.

Don Juan rentra dans sa chambre, et se jeta tout habillé sur son